Et nous revoilà parti pour la nouvelle sortie
semestrielle du « Marvel Cinematic Universe ». Après celle de
printemps avec Captain America : Civil War en forme de grand-messe et de
vrai-faux Avengers, pour encore introduire de nouveaux personnages (Black
Panther, la troisième occurrence de Spider-Man…), voilà la collection
automne-hiver avec un goût de neuf. C’est donc (encore) un nouveau personnage qui passe
à la moulinette des « Marvel Studios » comme on le voit dans l’intro
légale désormais. Bien sûr, les vrais de vrais qui connaissent les comics sont
déjà familiarisés avec le personnage de Doctor Strange, les autres un peu
moins. Voilà une occasion pour Marvel de faire quelque chose d’un peu
différent, même s’il a déjà été capable de changer de ton (Les Gardiens de la Galaxie). Encore une fois, le MCU a converti un réalisateur habitué à un autre
registre (en l’occurrence horrifique : Hellraiser V, L’Exorcisme d’Emily
Rose, Sinister, Délivre-nous du Mal… mais aussi Le Jour où la Terre s’arrêta),
Scott Derrickson. Pour encore une fois un produit aseptisé, codifié et
impersonnel au possible ? Après tout, Peyton Reed avait réussi à faire un
Ant-Man un poil plus enjoué, avec l’héritage d’Edgar Wright omniprésent. Doctor
Strange, lui, promet beaucoup visuellement. Les bandes-annonces vendaient du
rêve dans un univers psychédélique forcément influencé par la magie qui est au
centre de l’histoire, on osait même une comparaison à Inception. Doctor
Strange, c’est du visuel, mais pas seulement, dans un esprit global cher à
Marvel qui introduit ici et avant tout un nouveau personnage dans son univers.
Stephen Strange (Benedict Cumberbatch) est un grand ponte
de la médecine, de la chirurgie et de la neurobiologie, capable des
interventions les plus habiles et les plus risquées, et reconnu à juste titre
dans son domaine avec la gloire et les exigences qui vont avec. Vaniteux et un
brin arrogant, le Docteur Strange n’accepte pas de travailler sur n’importe
quel cas mais n’hésite pas à venir en aide à sa collègue et amie Christine
(Rachel McAdams). Mais à cause de ses excentricités, il est victime d’un
accident de voiture. Qui va lui coûter très cher, à savoir le plein usage de
ses mains, indispensables à son travail de chirurgie de haute précision. Prêt à
tout pour retrouver ses capacités manuelles, il n’hésite pas à se ruiner, mais
va d’échec en échec. Dépité, il apprend alors qu’un patient paraplégique avait
retrouvé miraculeusement l’usage de ses jambes. Il contacte celui-ci, qui lui
conseille de rallier Camarthage, un lieu mystérieux du Népal. Strange s’y rend
et se retrouve alors dans une communauté menée par l’Ancien (Tilda Swinton)
secondé par Mordo (Chiwetel Ejiofor), en réalité une communauté de magiciens
aux pouvoirs incroyables. D’abord profondément incrédule, Strange décide
finalement de choisir la voie de la magie proposée par l’Ancien. Il apprend
vite mais va bientôt être confronté à Kaecillius (Mads Mikkelsen) et ses
sbires, qui comme dans tout bon Marvel, nourrissent des sombres desseins…
« Comme dans tout bon Marvel », tout est dit je
crois. Si la trame visuelle comme narrative pouvait paraître originale, Doctor
Strange aura tout de même du mal à s’éloigner des carcans du MCU. Entre l’histoire
toujours simpliste, l’« origin story » menée de manière habituelle,
le méchant aux prétentions toujours trop apocalyptiques pour être crédibles,
les références au reste de l’univers Marvel qui arrivent de manière plus ou
moins attendue, et l’humour typique aux références très contemporaines (les
échanges entre Strange et Wong (Benedict… Wong, ben oui)), Doctor Strange a
-hélas- tout de l’énième film Marvel qui sur un bon nombre de points, ne prend
pas de risques et ne cherche pas à se démarquer. Ant-Man se différenciait un
peu plus même si il avait aussi ses références attendues, ici l’humour est
certes drôle et référencé, mais parfois un brin hors-sujet et forcé, et on est
plus dans le domaine du premier Thor qu’autre chose. Voilà pour moi le
principal défaut de Doctor Strange, qui dans de trop nombreux domaines, est
surtout un Marvel de plus, un nouveau film sur un « héros Marvel »,
un nouveau personnage à mettre dans les prochains films, ou pour faire des
suites au fric facile (#TrollMaisPasTrop). Les défauts du blockbuster Made In
Marvel, en somme, on ne veut pas faire réfléchir et on cherche à embarquer le
spectateur dans des aventures étonnantes. Mais heureusement, Doctor Strange a d’autres
qualités pour ne pas finir comme un Marvel sans saveur.
L’exercice de l’origin-story/premier film sur un
personnage est toujours délicat et la tendance est parfois de broder sur des
choses inutiles. Sur ce point, Doctor Strange ne s’égare pas et parvient à nous
proposer deux heures très dynamiques, avec bien peu de temps morts. L’introduction
des (més)aventures de Stephen Strange n’est pas interminable mais pourtant rien
n’est oublié, et l’on passe vite dans les domaines magiques qui nous
intéressent. Certes, comme tout film origin-story blockbusterisant encore une
fois, tout semble aller trop vite, le Docteur Strange est certes intelligent et
persévérant et apprend vite, mais il devient un magicien habile en deux-deux
malgré qu’il soit traité comme un bleu… et va donc vite se retrouver confronté
au Grand Méchant (bouhh). Peu importe, on est au cinoche, et l’histoire laisse
donc une bonne place à l’Action. Les combats à base de facéties magiques
regorgent de bonnes trouvailles, et l’ensemble laisse place à la folie visuelle
que le film promettait, pour une fois nous avons vraiment affaire à un film « fantastique ».
C’est sur ce point que Doctor Strange se démarque vraiment, même si c’était
attendu et que les bandes-annonces en montrent un peu trop peut-être. Outre les
délires architecturaux Inceptionnesques (bien justifiés par un élément précis
du scénario d’ailleurs) parfaitement menés et servis pour une fois par une 3D
qui a une véritable utilité, Doctor Strange s’offre des moments plus
psychédéliques assez… spéciaux, entre Interstellar et un clip de Meshuggah.
Bon, rien d’abstrait, d’autant que le tout est lui aussi justifié par le
scénario. Mais l’« introduction » de Stephen Strange dans le « multivers »
en vaut la chandelle avec une longue scène assez hallucinante, il faut avoir l’estomac
accroché. Et pour le « boss de fin » également, avec là aussi de
bonnes trouvailles au sein de formules magiques bien exploitées pour un film
tout de même très réussi.
Benedict Cumberbatch, avec sa classe habituelle, illumine
le film et s’est parfaitement glissé dans le costume de Strange, même si on
aurait pu crier au nanar si le film s’était avéré complètement raté, ce qui n’est
pas le cas. On passera rapidement sur le reste du casting qui n’apporte pas
énormément de choses significatives comme pour tout Marvel « 1 »
encore, entre un Chiwetel Ejiofor impersonnel malgré son personnage complexe,
une Tilda Swinton toujours étonnante, une Rachel McAdams qui ne sert à
(presque) rien et un Mads Mikkelsen hélas desservi par son rôle de méchant trop
Marvelien et donc là aussi légèrement nanardesque, vraiment le problème des
films du studio depuis un moment… Mais finalement, Doctor Strange tient ses
promesses, que ça soit dans les bons et les mauvais côtés. Je lui préfère
Ant-Man d’un poil de nez coupé en deux, mais c’est de l’ordre du subjectif et
du relatif, ce n’est peut-être pas comparable mais dans le fond « Marvel »,
ça l’est complètement. Un nouveau Marvel, « assez » dirons certains,
heureusement il y a toujours quelques accroches pour faire la différence et c’est
avec ceci que Doctor Strange remporte son pari. Grâce à son visuel épatant, ses
bonnes idées magiques, une histoire dynamique malgré un scénario basique et
attendu, un humour léger même si trop décalé, un ensemble enthousiasmant voire
kiffant qui en fait un blockbuster très visuel qui est aussi une expérience
cinématographique à faire. Marvel a fait mieux et plus original, a fait pire et
encore plus basique aussi. Un Marvel dans la bonne moyenne, personnel sur
certains points et pas assez sur d’autres, mais il est dur d’avoir du
renouvellement dans un univers cinématographique qui ne risque pas d’évoluer
des masses jusqu’à la sortie de Avengers : Infinity War, donc en l’état on
se contentera de ce que Doctor Strange a à nous apporter : de la magie
visuelle et du Fantastique.
Note : 7.5/10