Gravity, moi à la base ça m’évoque plutôt l’excellent groupe de Metal à chanteuse de Montpellier. Ce qui aurait pu être choisi comme
nom pour Upside Down dénomme finalement le nouveau méfait d’Alfonso Cuarón,
sept ans après le très apprécié Les fils de l’Homme. Plébiscité par toutes les
critiques spécialisées, Gravity est du genre très très attendu. Trop ? Je
suis un grand amateur de science-fiction et de tout ce qui est spatial, mais si
je cite plutôt le fameux groupe de Metal de Montpellier de prime d’abord, c’est
que Gravity, j’en ai un peu rien à foutre. Oui, je trouve que tout le monde
s’est enflammé bien trop tôt sur son sujet et seul le nom d’Alfonso Cuarón
semblait justifier l’effervescence en amont de cette sortie. Pour le reste, on
se situerait plus vers un film spatial plus réfléchi et contemplatif, à la
Sunshine ou Solaris (où George Clooney apparaît également), sous-genre que je
n’apprécie pas particulièrement même si j’ai trouvé le premier pas mal et que je
n’ai jamais vu le second, car il ne m’a jamais tenté. Quant à Cuarón, je ne
connais que Les fils de l’Homme, que j’ai surtout apprécié pour la maîtrise
technique (ces plans-séquence hallucinants !) que pour l’histoire. Alors
bon, on peut déjà attendre que Gravity soit techniquement très balaise mais
pour le reste, j’ai quand même un peu peur. Peur que le film vire dans le
contemplatif pur et simple, l’amoncellement de dialogues sur la vacuité de
l’existence, ou un fameux huis clos élargi avec deux personnages qui dérivent
dans l’espace et qui font… on sait pas quoi, probablement quelque chose de
métaphysique, psychologique, bref quelque chose de prétentieux et chiant. Pire
encore, ça pourrait se terminer en délire visuel abstrait à la 2001 Odyssée de
l’Espace, et c’est le genre de trucs qui m’horripile au plus haut point. Mais
après tout, même Sunshine échappait à ça même si l’on en était pas loin. Donc
bon, Gravity doit quand même valoir le coup d’être vu pour l’aspect visuel,
mais j’y vais franchement à reculons car passé le fameux « premier quart
d’heure », j’ai peur de ce qu’il peut se passer.
Or voilà, c’est la grosse surprise. D’ailleurs je précise
que mon habituel paragraphe « synopsis » va un TOUT PETIT PEU plus
loin que ce que nous a réservé les nombreux résumés dans des magazines ou même
les premières critiques qui ne sont pas allées au bout du sujet avec le recul,
aussi je ne vais pas spoiler mais juste détailler un peu plus au-delà du
premier quart-d’heure, si vous ne voulez pas savoir ce qu’il se passe tout de
suite après ne lisez pas la fin de ce paragraphe, mais j’ai besoin d’une base
pour argumenter le reste de ma critique. Donc : Le Docteur Ryan Stone
(Sandra Bullock) effectue sa première sortie dans l’espace pour réparer un des
éléments du télescope Hubble, surveillée par l’astronaute Matt Kowalsky (George
Clooney) qui lui effectue sa dernière sortie avant de prendre sa retraite. Mais
plus loin dans l’orbite de la Terre, une catastrophe se produit : les
russes ont malencontreusement fait exploser un de leurs satellites et des
débris foncent vers Hubble à toute vitesse. L’équipe doit déguerpir mais ne
parvient pas à remballer à temps. Stone est alors propulsée vers le vide
astral, coupée de toutes les communications avec la Terre. Equipé d’un Jet-pack,
Kowalsky parvient à la retrouver. Ensemble, ils espèrent rejoindre la navette
spatiale attenante mais celle-ci a été détruite et les deux astronautes sont
les seuls survivants de l'accident. Kowalsky propose alors de puiser dans les réserves de son
Jet-pack pour rejoindre l’ISS et espérer repartir à bord d’une fusée Soyouz.
Mais ce n’est que le début des galères…
Et je crois que je ne vais plus lire les résumés ni même
les critiques, qui faussent parfois tout l’esprit d’un film et le font passer
pour autre chose qu’il n’est. Après Iron Man 3 et Man Of Steel et leurs héros
soi-disants déchirés et en quête de rédemption, voici Gravity et son duo de
héros qui sont censés dériver dans l’espace pendant une heure et quart. Or
Gravity n’est certainement pas un film vide et faussement psychologique, ni
même réellement dramatique. Et oui, la voilà la surprise : ça bouge, il se
passe des trucs, il y a de l’action ! A un niveau moindre que dans les
blockbusters, mais c’est tout de même un minimum palpitant avec des rebondissements
et des moments forts. Finalement, c’est ceux qui s’attendaient à un truc
contemplatif et « arty » qui risqueront d’être déçus. En vérité,
Gravity a trouvé l’équilibre parfait, mettant suffisamment d’action pour ne pas
endormir son monde tout en l’aérant assez pour ne pas partir dans le
blockbuster générique. L’effet « huis clos » en est même faussé, vu
qu’on passe de stations abandonnées en capsules de survie, c’est bien trop pour
parler d’une unité de lieu. Tout, tout ce que j’avais pu lire à propos de
Gravity était assez faux : je me demandais que diable pouvait-il se passer
après le fameux accident qui lance les hostilités, j’ai ma réponse : c’est
un survival-movie de science-fiction qui scotche au Fauteuil Noir de par son
côté prenant et stressant, jouant sur une immersion quasi-totale (il y a même
moult scènes en POV) sans partir dans la claustrophobie, multipliant les scènes
de grande classe, filmées de main de maître, le tout avec un vrai scénario et
pas un truc abstrait ou qui repose uniquement sur des dialogues abscons. Ça
n’en fera donc pas un candidat à la palme d’or ou à un quelconque festival de
film contemporain mais ça peut mettre tout le monde d’accord (et c’est même
déjà le cas on dirait).
Bien sûr, le tout est servi par le talent d’Alfonso
Cuarón qui a fait du travail de haute volée, bien accompagné par la musique
saisissante. Avec le peu d’oxygène de l’espace, inutile de dire que Gravity
coupe le souffle pendant une heure et demie. Si les plans-séquences plus ou
moins longs ne surprennent pas vraiment (le gimmick de Cuarón est trop attendu peut-être ?), les
paysages spatiaux sont splendides et les vaisseaux et stations spatiales (qui
partent en miettes) donnent lieu à des plans et des scènes magistrales. Et
quand le tout s’inscrit dans une histoire qui maintient une tension assez rare,
autant dire que la réussite est totale. Au niveau visuel, Gravity est
probablement un chef-d’œuvre, mot que j’emploie avec des pincettes d’où le
« probablement ». Mais la grande qualité est là, accompagnée bien sûr
de la mise en scène autour des séquences du film (POV, utilisation habile de
l’apesanteur et de l’inertie, focalisation sur les acteurs…) qui prennent aux
tripes et renforcent l’immersion. Sans virer dans l’expérience
cinématographique à proprement parler, Gravity est un film qui sait comment
captiver le spectateur, devenant même à déconseiller à ceux qui se sentent mal
quand ça tourne ou quand on ressent une sensation d’apesanteur qui fait flotter
le bide. Et c’est là que la 3D fait mouche d'ailleurs. On louera également
l’aspect voulu très réaliste de l’ensemble, notamment avec un travail effarant
sur le son (et oui, quand il y a de la casse dans l’espace, ça ne fait pas de
bruit car aucun son ne peut se propager dans le vide), exploité à fond dans le
film (lorsque le point de vue est à l’intérieur du casque des personnages, on
les entend parler normalement, par contre à l’extérieur il y a un son typé
radio : c’est le genre de détail qui a été parfaitement négocié). Mais
dommage que cet aspect montre ses limites lorsqu’il est passé à la moulinette
cinéma, genre « j’ai plus d’oxygène mais je tiens encore 15
minutes », « j’ai que 5 minutes pour aller d’un point A à un point B
mais je le fais en bien plus de temps »… Une certaine scène part même dans
l’impossible le plus absolu, et on comprend de façon un peu trop prévisible
comment le phénomène a pu avoir eu lieu. Ce sont les seuls vrais accrocs de ce
film qui atteint la perfection au niveau visuel et sonore.
Au niveau du scénario, s’il ne part donc pas dans
l’onirique, le métaphysique ou l’abstrait, il n’est pas pour autant très étoffé
et reste à l’essentiel, étant même finalement convenu par rapport à ce qu’on
pouvait attendre d’un film avec pour pitch « des astronautes à la dérive
dans l’espace ». La trame est donc classique, mais ce n’est pas très
important car l’intérêt est ailleurs. Gravity a son rythme, se posant un peu
parfois mais il y a bien peu de longueurs à déplorer. Contrairement aux héros
qui flottent dans l’espace, on a beaucoup de points d’accroche, que ça soit les
décors, la musique, ou encore les dialogues et les acteurs. Bon il n’y en a que
deux, et c’est le casting le plus faible de l’année en termes d’effectif, mais
pas en termes de qualité. Je voudrais tout d’abord m’attarder sur George
Clooney, qui campe un héros tout à fait inattendu : c’est limite un Dr
House de l’espace, un brin cynique et qui prend les choses avec humour et
vantardise (le fameux record d’Anatoli) même dans les pires situations. Il
amène même quelques touches d’humour dans un film où c’est la dernière chose
qu’on s’attend à entendre. Sandra Bullock, qui a arrêté momentanément de faire
Miss FBI et des comédies romantiques pour un sacré contre-emploi, excelle dans
un rôle qui nous rapproche énormément des personnages de Ripley (Sigourney
Weaver) et Shaw (Noomi Rapace) de Alien et Prometheus respectivement, dans un
rôle de femme craintive qui doit faire face à l’adversité avec ses propres
moyens. Soyons honnêtes, n’importe quelle actrice digne de ce nom aurait pu
faire la même chose, nous ne sommes pas dans un pur rôle de composition, mais
si le personnage est classique il est campé avec brio. Et on se doute bien
qu’avec un personnage comme Alfonso Cuarón derrière la caméra, la direction
d’acteurs est au top et n’importe quel quidam s’en retrouve transformé. Au
final, Gravity est avant tout la réussite d’un Cuarón plutôt qu’un film qui va
révolutionner la science-fiction ou même rentrer dans son histoire.
Car oui, il ne faut pas surestimer Gravity qui n’invente
rien, proposant juste une appropriation personnelle du genre qui se traduit
notamment dans la mise en scène, plutôt que dans le scénario qui ne propose à
aucun moment des idées de génie. Mais plutôt que de s’embourber dans un délire
arty qui aurait été indigeste et n’aurait guère plu qu’à l’Elite qui elle seule
en aurait compris le sens, Alfonso Cuarón (qu’on ne pourra accuser d’être
pourri par Hollywood vu qu’il a tout écrit et produit avec... son fils) a livré
un film parfaitement dosé et qui éblouit de par sa réalisation. Au final,
Gravity est un film puissant (pas dans le sens ou ça poutre) et monumental,
mettant à la perfection en images une histoire de survival en milieu spatial
qui s’avérait banale et minimaliste à la base. Solitude, contemplation, Post-Metal
à trémolos et breaks ambiants, vacuité de l’espace ? Que nenni, l’homme a
pollué l’orbite de la Terre avec ses stations et satellites et sans ça, pas de
Gravity, enfin pas de la manière dont il se présente au final. Un film
« mid-tempo » palpitant et particulièrement prenant qui joue la carte
d’une immersion dans l’espace, ses dangers et les moyens mis à disposition pour
un retour sur la surface de la planète. Une réussite qui aurait pu être totale
sans un classicisme et un certain minimalisme assumé et quelques petits défauts
de rigueur, mais sans tomber dans l’extrême « une expérience à
vivre » c’est un film très fort qui doit être vu si l’on est pas
allergique à tout ce qui touche au cosmos. Une claque « sensorielle »
et même un tantinet émotionnelle qui doit même filer des frissons à Felix
Baumgartner.
Note : 8.5/10
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