Tout le monde parle de Gravity (moi y compris), mais en termes de film spatial typé « survival »,
il n’y a pas que ça cette année. En témoigne ce film sorti un peu de nulle
part, Europa Report. Apparemment sorti en juin dernier, reste à savoir où car à
part en festival, autant dire que sa distribution est inexistante, car film
trop indépendant. C’est donc par des moyens peu orthodoxes que je l’ai
visionné, ce qui est fort dommage d’ailleurs. Fort dommage pour la qualité
d’image, même si ce n’est pas forcément très important pour ce film qui est
présenté comme un found footage spatial. Fort dommage surtout parce que sa
grande qualité aurait mérité mieux que d’être visionnée par un cercle
d’initiés, à l’affût des news sur les films du genre. Un found footage, ça ne
donne pas envie de prime d’abord, sachant que le genre est archi-galvaudé (cf.
la déclinaison infinie de Paranormal Activity qui ne fait guère peur qu’à ton
petit frère de 13 ans qui veut jouer au dur mais sursaute quand même). Un found
footage spatial, ça semble déjà plus original mais Europa Report n’est pas le
premier film de ce crossover osé et incogru : Appolo 18 (2011) donnait
là-dedans, pour un résultat qui n’a pas enchanté les critiques, mais je me
garderai de tout jugement là-dessus sachant que je ne l’ai pas vu. Un peu plus
de 10 jours après Gravity, me voilà donc avec entre les yeux une nouvelle
aventure spatiale qui s’annonce périlleuse et tendue. Si la mise en lumière
d’Europa Report m’avait suffisamment enthousiasmé pour cocher la case « à
voir avant la fin de l’année par curiosité en attendant peut-être une bonne
surprise », le résultat a nettement dépassé toutes mes espérances, mon
aversion pour le found footage y compris. Récit de ce qui sera sans doute la
surprise de l’année (comme la fin approche, il y a peu de chances que ça
bouge).
Dans un futur apparemment très proche, une puissante
société d’exploration spatiale décide de mettre en œuvre un projet fou :
envoyer une équipe pour réaliser des prélèvements sur Europe, un des satellites
de la planète Jupiter. Ce satellite a la particularité d’être recouvert d’une
épaisse couche de glace, et des analyses ont montré que de l’eau se trouvait en
profondeur. Qui dit eau dit vie potentielle et l’équipe d’Europa One est
chargée d’aller mener quelques prélèvements pour une découverte qui serait de
la plus haute importance (de la vie dans notre système solaire autre part que
sur Terre ! vous rendez compte !). Débute alors un long voyage aller
de plus de 22 mois pour l’équipe, constituée de 6 astronautes et
scientifiques : William Xu (Daniel Wu), Rosa Dasque (Anamaria Marinca),
Katya Petrovna (Karolina Wydra), Daniel Luxembourg (Christian Camargo), Andrei
Blok (Michael Nyqvist) et James Corrigan (Sharlto Copley). Mais bien
évidemment, le voyage et l’arrivée sur Europe ne seront pas de tout repos,
entre problèmes de communication, accident tragique et péripéties liées à des
phénomènes étranges…
Tout ceci nous est donc raconté d’un point de vue
documentaire, avec intervention de deux responsables de l’expédition et de
Rosa, qui est apparemment une survivante… Le tout grâce à des images des nombreuses
caméras d’Europa One et des équipements des scientifiques, ou encore les
caméras des scaphandres. Le film démarre même par une sorte d’introduction qui
nous livre les premières clés de l’intrigue. Tout de suite, on pensera à District 9, le chef d’œuvre de Neill Blomkamp. Et ce
n’est pas faux. Non pas que Sharlto Copley soit de la partie, tout simplement
que tout comme le film sud-africain le côté documentaire va bien vite laisser
place à une plongée dans les évènements. Une plongée qui, disons-le tout de
suite, une fois bien lancée est particulièrement prenante. Soyons honnêtes,
Europa Report est avant tout un survival spatial de plus, à la Sunshine et
consorts (avec un beau concours du « qui va mourir dans quel ordre et
comment ? »). Mais d’une part, l’originalité du sujet (basé sur de
véritables recherches scientifiques) et le fait d’aller « plus loin »
sans avoir recours à la stase ou à un quelconque artifice trop SF genre vitesse
lumière est déjà appréciable. D’autre part, le côté found footage apporte un
plus indéniable, évitant à Europa Report de se classer comme l’énième film
catastrophe dans l’espace. Et surtout, tout ceci amène un côté hyper réaliste à
Europa Report qui fonctionne parfaitement. La longueur du voyage, les
conditions d’exploration, les aléas restant plutôt crédibles, le côté
scientifique de la chose… Gravity, avec ses réserves d’oxygène qui durent et
qui durent et ses voyages prolongés en jet-pack, est nettement battu.
L’immersion est également totale et après un début de film où l’on pourra être
dubitatif à la fois sur la démarche, le cheminement narratif et certains
dialogues philosophiques ; une fois que les intrigues et rebondissements
sont lancés on est dedans et on ne lâche plus Europa Report qui est assurément
un des films les plus prenants et de l’année. La tension et le suspense sont à
leur comble dans ce film qui paraît classique au premier abord, mais qui
réussit à parfaitement conduire son scénario et nous tenir facilement en
haleine, avec l’aspect found footage et caméras embarquées qui entretient
l’ambiance particulière (avec une musique à l’avenant), qui ne vire jamais dans
le mystique et reste terre-à-terre ou plutôt europe-à-europe, ce qui est un mal
pour un bien car hormis la toute fin qui est une fausse bonne idée, on ne part
jamais dans le nawak dont font preuve beaucoup de films de SF
« conceptuels ».
Cette fin déçoit un petit peu mais c’est un des très
rares défauts à mettre au discrédit de Europa Report. L’autre accroc majeur est
le manque de moyens de l’Equatorien Sebastián Cordero, qui ne se distinguera
pas par la qualité de ses images. On aurait aimé en voir plus d’Europe, et en
plus beau évidemment, mais ça ne sera pas possible. Du coup, le tout est
compensé par le tournage found footage qui maintient Europa Report dans une
simplicité bienvenue, entretenant à la perfection l’aspect réaliste du film, on
ne trouverait pas de plans larges d’Europe inutiles dans des archives d’une
pareille mission. La simplicité se retrouve également dans le jeu des acteurs, d’ailleurs
d’après les critiques et remarques que j’ai déjà pu lire c’est un point qui
déplaît assez largement. Pourtant, et encore une fois, c’est un point que je
mettrai au crédit du réalisme assumé d’Europa Report. S’ils manquent un peu
d’émotion et de panique, les acteurs n’en font pas des tonnes et incarnent
parfaitement des scientifiques qu’on imaginerait pas faire les dingues dans
pareille mission. Sharlto Copley n’est pas très en vue et c’est plutôt dommage
connaissant le potentiel de l’acteur (entre Elysium où il était un peu décevant
et ici, son année 2013 aurait pu être meilleure). Michael Nyqvist, en
scientifique vieillissant, et en revanche très bon, tout comme les inconnus
Anamaria Marinca, Daniel Wu et Christian Camargo (qui était dans Démineurs mais
ça ne me dit plus rien…) qui livrent une performance tout en sobriété. Seule
Karolina Wydra déçoit pas mal : déjà, son personnage de scientifique prête
à tout pour faire des découvertes est assez cliché ; deuxièmement,
l’actrice ne brille pas par son jeu et son dernier rôle marquant, c’était celui
de la fausse femme est-européenne du Dr House dans les dernières saisons de la
série : du coup, on a trop l’impression de voir la femme de House dans
l’espace est c’est assez troublant… Mais le minimum acceptable est assuré, et
ce n’est pas cette petite approximation de personnage qui va ruiner un film
aussi prenant que Europa Report.
L’attente était légère, mais le résultat bluffe et ce à
plus d’un titre. Gravity n’était pas original mais s’en sortait grâce à sa
réalisation exceptionnelle et sa tension extrêmement palpable. Europa Report ne
se distinguera pas visuellement, mais la tension est tout à fait similaire même
si le registre est un poil différent. Moins calqué sur une performance
cinématographique, poussant à fond la simplicité et le réalisme inhérent au
found footage, Europa Report est, à part 2-3 petits bidules à déplorer, une
réussite totale du film spatial, sombre et inquiétant sans donner dans le
mystérieux et restant très à cheval sur l’aspect scientifique. Donc j’ose le
dire, Europa Report est meilleur que Gravity, d’un poil de nez coupé en deux
certes, mais autant l’œuvre d’Alfonso Cuarón était attendue et à rempli sa
mission, autant ce film de Sebastián Cordero arrive de l’inconnu et est une immense
surprise. Inutile de dire qu’avec un peu plus de moyens et peut-être un casting
plus huppé (même si ce n’est à mon sens pas indispensable), Europa Report
aurait pu se ranger dans la catégorie chef-d’œuvre et être le film de l’année
(pour l’instant, ça reste Man Of Steel en ce qui
me concerne). Quoi qu’il en soit, ce film crossover montre que le genre found
footage peut accoucher de belles choses quand il est doté d’un scénario classique
mais travaillé et intelligent avec un vrai sujet de fond ; pour le reste
si le style catastrophe/survival spatial vous parle, le visionnage d’Europa
Report est tout simplement indispensable : c’est une épopée cosmique réaliste
particulièrement prenante et génialissime.
Note : 9/10
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