mercredi 6 novembre 2013

Europa Report

Tout le monde parle de Gravity (moi y compris), mais en termes de film spatial typé « survival », il n’y a pas que ça cette année. En témoigne ce film sorti un peu de nulle part, Europa Report. Apparemment sorti en juin dernier, reste à savoir où car à part en festival, autant dire que sa distribution est inexistante, car film trop indépendant. C’est donc par des moyens peu orthodoxes que je l’ai visionné, ce qui est fort dommage d’ailleurs. Fort dommage pour la qualité d’image, même si ce n’est pas forcément très important pour ce film qui est présenté comme un found footage spatial. Fort dommage surtout parce que sa grande qualité aurait mérité mieux que d’être visionnée par un cercle d’initiés, à l’affût des news sur les films du genre. Un found footage, ça ne donne pas envie de prime d’abord, sachant que le genre est archi-galvaudé (cf. la déclinaison infinie de Paranormal Activity qui ne fait guère peur qu’à ton petit frère de 13 ans qui veut jouer au dur mais sursaute quand même). Un found footage spatial, ça semble déjà plus original mais Europa Report n’est pas le premier film de ce crossover osé et incogru : Appolo 18 (2011) donnait là-dedans, pour un résultat qui n’a pas enchanté les critiques, mais je me garderai de tout jugement là-dessus sachant que je ne l’ai pas vu. Un peu plus de 10 jours après Gravity, me voilà donc avec entre les yeux une nouvelle aventure spatiale qui s’annonce périlleuse et tendue. Si la mise en lumière d’Europa Report m’avait suffisamment enthousiasmé pour cocher la case « à voir avant la fin de l’année par curiosité en attendant peut-être une bonne surprise », le résultat a nettement dépassé toutes mes espérances, mon aversion pour le found footage y compris. Récit de ce qui sera sans doute la surprise de l’année (comme la fin approche, il y a peu de chances que ça bouge).

Dans un futur apparemment très proche, une puissante société d’exploration spatiale décide de mettre en œuvre un projet fou : envoyer une équipe pour réaliser des prélèvements sur Europe, un des satellites de la planète Jupiter. Ce satellite a la particularité d’être recouvert d’une épaisse couche de glace, et des analyses ont montré que de l’eau se trouvait en profondeur. Qui dit eau dit vie potentielle et l’équipe d’Europa One est chargée d’aller mener quelques prélèvements pour une découverte qui serait de la plus haute importance (de la vie dans notre système solaire autre part que sur Terre ! vous rendez compte !). Débute alors un long voyage aller de plus de 22 mois pour l’équipe, constituée de 6 astronautes et scientifiques : William Xu (Daniel Wu), Rosa Dasque (Anamaria Marinca), Katya Petrovna (Karolina Wydra), Daniel Luxembourg (Christian Camargo), Andrei Blok (Michael Nyqvist) et James Corrigan (Sharlto Copley). Mais bien évidemment, le voyage et l’arrivée sur Europe ne seront pas de tout repos, entre problèmes de communication, accident tragique et péripéties liées à des phénomènes étranges…

Tout ceci nous est donc raconté d’un point de vue documentaire, avec intervention de deux responsables de l’expédition et de Rosa, qui est apparemment une survivante… Le tout grâce à des images des nombreuses caméras d’Europa One et des équipements des scientifiques, ou encore les caméras des scaphandres. Le film démarre même par une sorte d’introduction qui nous livre les premières clés de l’intrigue. Tout de suite, on pensera à District 9, le chef d’œuvre de Neill Blomkamp. Et ce n’est pas faux. Non pas que Sharlto Copley soit de la partie, tout simplement que tout comme le film sud-africain le côté documentaire va bien vite laisser place à une plongée dans les évènements. Une plongée qui, disons-le tout de suite, une fois bien lancée est particulièrement prenante. Soyons honnêtes, Europa Report est avant tout un survival spatial de plus, à la Sunshine et consorts (avec un beau concours du « qui va mourir dans quel ordre et comment ? »). Mais d’une part, l’originalité du sujet (basé sur de véritables recherches scientifiques) et le fait d’aller « plus loin » sans avoir recours à la stase ou à un quelconque artifice trop SF genre vitesse lumière est déjà appréciable. D’autre part, le côté found footage apporte un plus indéniable, évitant à Europa Report de se classer comme l’énième film catastrophe dans l’espace. Et surtout, tout ceci amène un côté hyper réaliste à Europa Report qui fonctionne parfaitement. La longueur du voyage, les conditions d’exploration, les aléas restant plutôt crédibles, le côté scientifique de la chose… Gravity, avec ses réserves d’oxygène qui durent et qui durent et ses voyages prolongés en jet-pack, est nettement battu. L’immersion est également totale et après un début de film où l’on pourra être dubitatif à la fois sur la démarche, le cheminement narratif et certains dialogues philosophiques ; une fois que les intrigues et rebondissements sont lancés on est dedans et on ne lâche plus Europa Report qui est assurément un des films les plus prenants et de l’année. La tension et le suspense sont à leur comble dans ce film qui paraît classique au premier abord, mais qui réussit à parfaitement conduire son scénario et nous tenir facilement en haleine, avec l’aspect found footage et caméras embarquées qui entretient l’ambiance particulière (avec une musique à l’avenant), qui ne vire jamais dans le mystique et reste terre-à-terre ou plutôt europe-à-europe, ce qui est un mal pour un bien car hormis la toute fin qui est une fausse bonne idée, on ne part jamais dans le nawak dont font preuve beaucoup de films de SF « conceptuels ».

Cette fin déçoit un petit peu mais c’est un des très rares défauts à mettre au discrédit de Europa Report. L’autre accroc majeur est le manque de moyens de l’Equatorien Sebastián Cordero, qui ne se distinguera pas par la qualité de ses images. On aurait aimé en voir plus d’Europe, et en plus beau évidemment, mais ça ne sera pas possible. Du coup, le tout est compensé par le tournage found footage qui maintient Europa Report dans une simplicité bienvenue, entretenant à la perfection l’aspect réaliste du film, on ne trouverait pas de plans larges d’Europe inutiles dans des archives d’une pareille mission. La simplicité se retrouve également dans le jeu des acteurs, d’ailleurs d’après les critiques et remarques que j’ai déjà pu lire c’est un point qui déplaît assez largement. Pourtant, et encore une fois, c’est un point que je mettrai au crédit du réalisme assumé d’Europa Report. S’ils manquent un peu d’émotion et de panique, les acteurs n’en font pas des tonnes et incarnent parfaitement des scientifiques qu’on imaginerait pas faire les dingues dans pareille mission. Sharlto Copley n’est pas très en vue et c’est plutôt dommage connaissant le potentiel de l’acteur (entre Elysium où il était un peu décevant et ici, son année 2013 aurait pu être meilleure). Michael Nyqvist, en scientifique vieillissant, et en revanche très bon, tout comme les inconnus Anamaria Marinca, Daniel Wu et Christian Camargo (qui était dans Démineurs mais ça ne me dit plus rien…) qui livrent une performance tout en sobriété. Seule Karolina Wydra déçoit pas mal : déjà, son personnage de scientifique prête à tout pour faire des découvertes est assez cliché ; deuxièmement, l’actrice ne brille pas par son jeu et son dernier rôle marquant, c’était celui de la fausse femme est-européenne du Dr House dans les dernières saisons de la série : du coup, on a trop l’impression de voir la femme de House dans l’espace est c’est assez troublant… Mais le minimum acceptable est assuré, et ce n’est pas cette petite approximation de personnage qui va ruiner un film aussi prenant que Europa Report.
L’attente était légère, mais le résultat bluffe et ce à plus d’un titre. Gravity n’était pas original mais s’en sortait grâce à sa réalisation exceptionnelle et sa tension extrêmement palpable. Europa Report ne se distinguera pas visuellement, mais la tension est tout à fait similaire même si le registre est un poil différent. Moins calqué sur une performance cinématographique, poussant à fond la simplicité et le réalisme inhérent au found footage, Europa Report est, à part 2-3 petits bidules à déplorer, une réussite totale du film spatial, sombre et inquiétant sans donner dans le mystérieux et restant très à cheval sur l’aspect scientifique. Donc j’ose le dire, Europa Report est meilleur que Gravity, d’un poil de nez coupé en deux certes, mais autant l’œuvre d’Alfonso Cuarón était attendue et à rempli sa mission, autant ce film de Sebastián Cordero arrive de l’inconnu et est une immense surprise. Inutile de dire qu’avec un peu plus de moyens et peut-être un casting plus huppé (même si ce n’est à mon sens pas indispensable), Europa Report aurait pu se ranger dans la catégorie chef-d’œuvre et être le film de l’année (pour l’instant, ça reste Man Of Steel en ce qui me concerne). Quoi qu’il en soit, ce film crossover montre que le genre found footage peut accoucher de belles choses quand il est doté d’un scénario classique mais travaillé et intelligent avec un vrai sujet de fond ; pour le reste si le style catastrophe/survival spatial vous parle, le visionnage d’Europa Report est tout simplement indispensable : c’est une épopée cosmique réaliste particulièrement prenante et génialissime.
Note : 9/10

vendredi 1 novembre 2013

Thor : Le Monde des Ténèbres

Avec Iron Man 3, Marvel a lancé sa fameuse « Phase 2 » post-The Avengers et attention, ça va enchaîner. Après (l’excellent) Iron Man 3 donc et avant Captain America : Le Soldat de l’Hiver qui a commencé à abattre ses premières cartes, voici Thor 2 intitulé Thor : Le Monde des Ténèbres (ou Thor : The Dark World en VO, ce qui a quand même un peu plus de classe).  Un film presque déjà boudé avant l’heure car on se souvient de l’inutilité de Thor, trop « décalé », qui avait plutôt fait office d’introduction à The Avengers plutôt que de briller par son scénario ou par ses personnages. Ça se laissait regarder mais la franchise Avengers est tout de même capable de mieux. Voilà donc la suite des aventures de Thor en solo, il est difficile de parler de Thor 2 quand The Avengers s’installe au milieu de tout. Surtout qu’après des bandes-annonces tonitruantes, de nombreux remous ont précédé la sortie de Thor : Le Monde des Ténèbres, notamment autour des quelques déboires de son réalisateur Alan Taylor. On a ainsi appris qu’ont été rajoutées à la hâte des scènes avec… Loki. Après avoir été le grand méchant de Thor puis de The Avengers, il ne serait pas temps d’arrêter de presser le citron, hmm ? Mais avant de parler de la 3ème occurrence du personnage, voyons déjà ce que Thor : Le Monde des Ténèbres a à nous proposer. Ce qu’on note déjà à la vue des bandes-annonces, c’est qu’on laisse le côté involontairement bucolique du premier pour de l’action et du spectacle. C’est là-dessus qu’il va falloir se focaliser pour apprécier ce nouveau Thor à sa juste valeur. Après…

Jadis, Malekith (Christopher Eccleston) a voulu plonger les 9 mondes dans les ténèbres, en se servant notamment de la puissance d’une matière étrange, l’Ether. Mais il a été stoppé par les forces d’Asgard qui l’ont contraint au sommeil. Des millénaires plus tard, Thor (Chris Hemsworth), après avoir sauvé New-York d’un cataclysme causé par son frère Loki (Tom Hiddleston), désormais emprisonné, s’affaire à assurer la paix dans les 9 mondes et est bientôt promis au trône de Roi d’Asgard appartenant toujours à son père Odin (Anthony Hopkins). Mais malgré l’agacement de ce dernier, il pense toujours à revoir la terrienne Jane Foster (Natalie Portman). Celle-ci, en enquêtant sur des anomalies dimensionnelles qui annoncent l’alignement des 9 mondes (ou convergence) à venir, va se retrouver propulsée dans un monde perdu et va ainsi retrouver l’Ether, qui a été jadis enfoui sous terre par les asgardiens. La libération de l’Ether, qui s’est retrouvé dans le sang de Jane, va provoquer le réveil de Malekith qui va à nouveau chercher à s’en emparer, et profiter de la convergence pour plonger l’univers dans les ténèbres. Pour contrecarrer les plans de Malekith qui a attaqué Asgard, refuge de Jane, Thor va devoir escamoter un plan bien périlleux à l’aide de son félon de frère Loki…

On nous avait promis de l’action, il y en a au programme pour ce Thor : Le Monde des Ténèbres. Sans virer dans la destruction massive, on assiste à de beaux combats, que ce soit par le biais de vaisseaux ennemis et asgardiens ou bien évidemment, par des combats au sol avec usage d’armes étonnantes (la grenade à trou noir ! encore un emprunt à Metroid et le canon combo sombre de Metroid Prime 2 : Echoes ?) et de gros coups (du genre qui te font valdinguer à 100m comme dans Man of Steel). Et ça fonctionne tout à fait. De Thor, il ne reste que les personnages principaux et secondaires et l’humour assez particulier (qui fait tout de même mouche), un peu moins présent ici forcément (ou moins mis en valeur). Pour le reste, Thor : Le Monde des Ténèbres est franchement inégal. De belles images sont au programme, mais j’ai trouvé que le début du film était très sombre, ce qui gène les yeux. Etait-ce dû à la projection de mon ciné ? Aucune idée mais c’était assez harsh par moments, et la 3D redevient discutable car elle n’apporte vraiment rien. Dans l’ensemble, du bon boulot a tout de même été fait, n’en déplaise à ceux qui attendaient de Alan Taylor qu’il reproduise ce qu’il fait pour Game of Thrones, ici on est dans une optique blockbuster et les réalisations sont toujours impersonnelles (prenons comme exemple marquant Man of SteelZack Snyder a tempéré ses excentricités). Pour ce qui est du scénario, on est en plein dans le blockbuster avec ses rebondissements plus ou moins attendus (surtout quand le fourbe Loki est de la partie…), mais outre la bravoure inutile, les petits mamours et les méchants aux aspirations dignes d’un jeu vidéo (« je vais plonger tout l’univers dans les ténèbres », trop de la balle, et ça va t’avancer à quoi ?), il n’y a finalement pas grand-chose d’intéressant à tirer de Thor : Le Monde des Ténèbres d’un point de vue de son histoire, qui reste finalement classique et sans fioritures. Si les longueurs et lourdeurs (et grotesqueries inhérentes à l’humour à la Thor), bien que bien présentes, ne sont pas légion, le coup de théâtre à la fin et la fameuse séquence post-générique amènent de la confusion franchement inutile. Les mecs de Marvel, c’est bon, on ira les voir vos films, ce n’est pas la peine de faire du teasing et d’intégrer des débuts d’intrigue dans tous les coins que vous pouvez, laissez-nous au moins profiter de l’instant présent et de la phase actuelle. Surtout que la séquence post-générique, elle peut aller très loin…

Si l’exploitation des personnages n’était pas le fort de Thor, Thor : Le Monde des Ténèbres va rattraper le coup. Chris Hemsworth fait du Chris Hemsworth mais son personnage a un peu tempéré ses facéties du premier opus et même de The Avengers, Thor en devient moins bourrin et presque trop sérieux mais ça rajoute un peu plus de profondeur au personnage. Comme promis (promis à Natalie Portman surtout…), Jane Foster a un rôle plus important que dans Thor et ça fonctionne, même s’il y avait peut-être moyen d’en faire plus car finalement le personnage ne fait que subir les évènements. Quant à Loki, si j’avais pesté sur son regain d’importance, il faut bien avouer que le personnage avec ses paradoxes tire une bonne partie du film vers le haut, surtout que Tom Hiddleston est vraiment au top de sa forme ici. Mais on reverra le personnage, même si on ne sait pas quand ni où ni comment. Du reste, si la fine équipe asgardienne de Thor est nettement moins en vue (quoique j’ai trouvé que Jaimie Alexander était plus agréable à regarder que dans le premier opus), des autres personnages ont le droit à leur moment de gloire comme Heimdall (Idris Elba) et la reine Frigga (Rene Russo), et Stellan Skarsgård campe cette fois-ci un Erik Selvig totalement allumé, on aimera ou pas la démarche. La grosse déception vient du personnage de Malekith, sans style et sans relief, c’est vraiment un méchant très mineur de la saga Avengers. Finalement, je retourne ma veste et avoue bien que remettre Loki dans la danse était la meilleure chose à faire. Peut-être que ses apparitions sont répétitives et forcées mais il y a moyen que la sauce prenne… Pour finir, on notera un caméo plutôt bien intégré de Captain America, à ne pas louper.

Bon, j’avoue que je tergiverse un peu dans le vide et ne sait trop quoi dire de ce nouveau Thor, ni trop quoi en penser d’ailleurs. « Tu t’entêtes et t’as Thor » ? Non, dans l’ensemble Thor : Le Monde des Ténèbres est un bien bon film, on est tout de même au-dessus du premier (ce qui n’était pas bien difficile…) et même de Captain America : First Avenger. On mettra d’ailleurs au crédit de Thor : Le Monde des Ténèbres une dernière partie de film presque WTF avec les trous entre les mondes qui réservent des scènes assez barrées, avec un gag dans le métro assez savoureux à 100% dans l’humour décalé inhérent à Thor. Ceci suit un ensemble de scènes plus ou moins épiques et plus ou moins palpitantes, dans un esprit forcément sombre qui est bienvenu. Mais quand on gratte un peu, des imperfections apparaissent et Thor : Le Monde des Ténèbres pâtit d’un scénario mi-simpliste mi-confus, qui a réussi à bien réintroduire Loki mais semble déjà vouloir en (re)faire trop avec lui. Un Avengers dans la bonne moyenne mais qui ne sera pas inoubliable comme le premier Iron Man et The Avengers, et qui en améliorant certains points aurait pu être un film de grande classe. Si le côté blockbuster forcément associé à la franchise Marvel vous rebute, ce n’est même pas la peine d'essayer car ce sont les « obligations » du genre (scénario classique, humour parfois à deux balles, méchant qui doit pas faire trop peur, intrigues secondaires annonçant la suite de la saga) qui desservent Thor : Le Monde des Ténèbres qui a tout de même quelques bons arguments visuels et des acteurs remplissant bien leurs rôles. Après le trop décalé et léger Thor, Thor : Le Monde des Ténèbres signe enfin l’entrée sérieuse du héros asgardien dans l’action à la Marvel, et on y prend du plaisir même si ce second opus n’est hélas pas parfait et ne fera certainement pas l’unanimité. Qui a raison, qui a Thor ?
Note : 7.5/10