vendredi 30 août 2013

Le dernier pub avant La fin du monde

Edgar Wright + Simon Pegg + Nick Frost. Le trio infernal qui a enfanté la série méconnue Spaced au début des années 2000 (tellement méconnue que je ne l’ai toujours pas vue…) s’est bien vite mis au cinéma pour donner naissance à une trilogie infernale baptisée « Blood and Ice Cream » (parce qu’il y a du sang et des Cornettos), créant leur propre patte au sein de comédies déjantées. Shaun Of The Dead est déjà un film culte mais personnellement je ne l’ai jamais trop aimé, c’est une comédie d’horreur banale et poussive juste portée par sa réalisation et ses acteurs. En revanche, Hot Fuzz est une tuerie intergalactique, délivrant un scénario malin, des gimmicks qui arrachent et une fin qui dépote. Après une absence de 6 ans marquée par un film du duo Pegg-Frost sans Edgar Wright (Paul), voilà le retour tant attendu du trio britannique pour clore cette trilogie dans une certaine apocalypse. On avait attendu les extraterrestres (qui ont finalement débarqué pour Paul), on attendait la fin du monde (le film devait à la base sortir aux alentours du 21 décembre 2012…), on aura les deux dans Le dernier pub avant La fin du monde, ainsi que comme prévu du sang (même si c’est un sang un peu particulier…) et de la glace (même s’il faut l’attendre !). Et l’humour corrosif du trio de même que la mise en scène coup-de-poing. La totale.

A la fin des années 80, une bande de 5 potes décide de faire en une soirée le « barathon de la voie maltée » dans une charmante bourgade anglaise, Newton Heaven : il s’agit de déguster une pinte de bière dans chacun des 12 bars de la ville, jusqu’au dernier répondant au nom de « La fin du monde ». Mais l’échappée tourne court et le quintette s’arrête à 9 bars. 20 ans plus tard, Gary (Simon Pegg), ado attardé fan des Sisters Of Mercy, décide de retrouver ses potes pour refaire et terminer ce qu’ils avaient commencé. Peter (Eddie Marsan), concessionnaire auto très attaché à sa femme et à son père, Oliver « Le maudit » (Martin Freeman), agent immobilier qui ne lâche pas son oreillette bluetooth, Steven (Paddy Considine), travaillant dans le bâtiment et adepte de muscu, et Andy (Nick Frost), chef d’entreprise épanoui mais renfermé, finissent par accepter de suivre Gary dans sa quête, malgré la forte réticence d’Andy qui s’était méchamment brouillé avec Gary suite à un fâcheux accident. Alors que les 5 potes entament la tournée, se remémorant les bons vieux moments et réglant leurs comptes, ils vont se rendre compte que leur bourgade natale a été envahie par des robots extraterrestres… Le quintette, accompagné de la sœur d’Oliver (Rosamund Pike), va alors se disputer sur la marche à suivre pour se tirer de la galère, les pintes s’accumulant dans le gosier n’aidant pas… tandis que Gary est bien déterminé à finir le barathon coûte que coûte.


D’emblée, je vais évacuer les quelques défauts de Le dernier pub avant La fin du monde histoire d’en finir : on notera déjà que la Edgar Wright touch est un peu moins incisive que par le passé, abandonnant presque certains gimmicks des deux premiers films comme les expressions qui reviennent systématiquement une deuxième fois, au contraire des habituels gags. Les dialogues sont moins percutants, à l’image des héros du film finalement : ils ont mûri et sont plus sérieux. Le scénario, bien moins étoffé que celui de Hot Fuzz, n’entretient pas le « mystère » comme avait pu le faire avec brio Shaun Of The Dead également. Au final, après 40 minutes qui servent en quelque sorte d’introduction (le sujet l’exige comme pour les deux autres films), on est direct plongé dans la véritable intrigue et à partir de là, c’est effectivement l’apocalypse filmique et la tuerie. Edgar Wright s’est lâché dans les scènes de bagarres et nous envoie du jamais-vu chez lui, souvent hallucinantes et terriblement jouissives, avec des prises vachement techniques et même de véritables mouvements de catch ! Ce n’est pas cette fois-ci que le déjanté et la WTFerie seront mis de côté, et au final Le dernier pub avant La fin du monde et sans concession le film le plus original et le plus barré du trio. Hormis le premier tiers pépère, ça va à cent à l’heure et ça aligne les poursuites, bagarres et violentes prises de tête entre potes dans un joyeux bordel drôle et efficace. J’ai eu peur que le film soit plat et parte dans le n’importe quoi décevant : il n’en est rien et Le dernier pub avant La fin du monde est tout simplement un pur film dans la tradition Wright/Pegg/Frost, même si un peu différent des deux précédents opus de la trilogie.

Côté scénario, on continue à distiller quelques éléments au fur et à mesure comme d’habitude, permettant de fluidifier et de comprendre l’histoire (et de balancer des guests savoureux comme l’inattendu Pierce Brosnan), mais c’est tout de même moins passionnant que Hot Fuzz. Mais comme toujours c’est un prétexte pour envoyer la sauce dans d’excellentes scènes et on en redemande. Comme toujours chez Edgar Wright, les acteurs sont tous excellents : Simon Pegg est méconnaissable en gothique alcoolo, il cabotine pas mal mais ça change radicalement de Mission Impossible et Star Trek et ça fonctionne. Nick Frost lui vole presque la vedette en fin de film, grâce à un personnage dont le comportement évolue au fil de l’histoire. Martin Freeman, cantonné à des seconds rôles effacés après H2G2 (oui, même dans Le Hobbit on ne le voit pas beaucoup !), a enfin ici un second rôle complet et intéressant. Paddy Considine, dans un rôle presque à contre-emploi, est également excellent tout comme le méconnu Eddie Marsan qui campe le personnage le plus naïf dans la bande. Rosamund Pike tient également un rôle à contre-emploi et s’en sort bien. Après le très Buddy Movie Hot Fuzz, Edgar Wright s’élargit de nouveau à une bande complète et les acteurs portent une nouvelle fois un film délicieusement déjanté, avec des codes bien singuliers de comédie mais aussi d’action, de fantastique et de science-fiction.


Il est juste dommage que Le dernier pub avant La fin du monde se termine sur un grand final dispensable et un peu maladroit, mais ce n’est pas très grave et c’est finalement logique. La trilogie Blood and Ice Cream se termine en apothéose, même si à mon sens Hot Fuzz restera à jamais la plus grande réussite du trio Wright/Pegg/Frost. Le dernier pub avant La fin du monde surpasse déjà pour moi Shaun Of The Dead qui n’était finalement qu’un round d’essai. Ce troisième opus démarre timidement et on a vu les compères plus inspirés pour les dialogues (peut-être est-ce à cause de la VF ? déjà que Pegg et Frost n’ont toujours pas de doubleur attitré…) ainsi que pour les gimmicks incisifs, mais vu que la partie « à fond » du film en constitue tout de même la grande majorité, il serait dommage de bouder ce film pour du pinaillage. Le dernier pub avant La fin du monde est une bonne tuerie jouissive, fun et nawakement contrôlée, c’est l’essentiel et si le trio anglais a fait un peu mieux par le passé, il n’a pas perdu son goût unique pour la comédie transgenre qui fait mouche, servie par des acteurs en forme. Le dernier Cornetto avant l’apocalypse !
Note : 8/10

mardi 27 août 2013

Upside Down

Et l’OFNI de l’année est une production franco-canadienne, réalisée et scénarisée par un… argentin. Enfin OFNI de l’année 2012 vu que c’est l’an dernier qu’il est initialement sorti, mais vu le bestiau il peut bien obtenir le titre sur deux années consécutives. Après le niaiseux Les Âmes Vagabondes, voilà à nouveau un film qui mêle science-fiction et romance. Ce n’est pas très original mais le reste du concept de Upside Down est somme toute inédit. Un monde sans dessus-dessous est au programme et la réalisation sera à l’avenant. Je pense que tout le monde aura eu l’occasion de voir quelques images et le concept, basé sur des gravités inversées et des gens qui vivent au sol, d’autres au plafond, est intriguant. Ce qui est à la base une banale fiction légèrement dystopienne racontant une histoire d’amour sommaire va bien vite se transformer en un film d’une originalité sans bornes qui a su, à l’instar de films comme Time Out, se créer son propre univers régi par ses propres codes. On s’accroche et on prépare son cou et ses yeux car il va falloir sans cesse regarder en haut. Ou en bas. Ou les deux à la fois.

Dans un système solaire éloigné du nôtre, deux planètes sont liées entre elles mais chacune d’entre elles est régie par ses propres lois de gravité. Il y a donc un monde « En-Haut » et un monde « En-Bas », séparés par seulement quelques mètres sur les points culminants. Tout ce qui vient d’une planète (matières et personnes) est uniquement affecté par la gravité de sa planète d’origine, et ne peut donc pas perdurer sur l’autre planète sous peine de causer des difficultés d'attraction gravitationnelle voire pire, de brûler. Les deux mondes sont donc séparés, et les riches vivent En-Haut tandis que la population d’En-Bas est pauvre et bien peu considérée par ceux d’En-Haut. Adam (Jim Sturgess), habitant d’En-Bas, sympathise avec Eden (Kirsten Dunst) qui vit En-Haut, à l’occasion de ballades en montagne. Les deux tourtereaux entament une liaison qui est bien sûr interdite. Repérés pendant un flirt, les deux amoureux vont être séparés et Eden va subir une violente chute, Adam la croyant alors morte. 10 ans plus tard, ce dernier va pourtant apprendre qu’elle est vivante via une émission de télévision. Pour se rapprocher d’elle et la reconquérir, Adam va se faire embaucher au sein d’une puissante entreprise qui a la particularité de faire travailler à la fois des gens d’En-Haut et d’En-Bas au sein d’un bâtiment qui relie les deux planètes. A l’aide d’un collègue de travail d’En-Haut, Bob (Timothy Spall), Adam va alors infiltrer le monde d’En-Haut…

 
Upside Down est un film scientifique dans le sens où il invente ses propres lois de physique gravitationnelle pour expliquer les différences entre les deux mondes. Le tout est expliqué dans l’introduction du film et d’autres détails sont distillés tout au long du film. Et bien que je sois loin d’être un spécialiste en physique gravitationnelle, certains trucs sont quand même illogiques et incohérents et plusieurs fois on s’exclamera « mais comment c’est possible ! ». De nombreuses questions se posent (je ne vais pas rentrer dans les détails mais un exemple : si le gag de l’urine qui va au plafond lorsque qu’un gars d’En-Bas pisse quelque part En-Haut est pris de but en blanc, il se pose la question du reste des liquides corporels : le sang devrait remonter à mort au cerveau et les jambes ne seraient plus trop irriguées…), et n’importe quel physicien s’arrachera les cheveux à plusieurs reprises. Enfin bref, ce n’est qu’un film après tout… et de par l’existence d’un film cumulant les aberrations scientifiques comme Fusion - The Core, on est prêts à tout pardonner. D’autant que Upside Down est un film plutôt fantastique voire même onirique. Et c’est là que ça fonctionne, car Juan Solanas a vraiment réussi à créer son univers avec ses lois bien particulières, et le concept est exploité à fond, au centre de la plupart des pérégrinations du héros du film, Adam. C’est totalement WTF, mais on se laisse vite emporter au sein de ce monde incroyable et sidérant.

Surtout que l’argentin, inconnu au bataillon, sait y faire au niveau des images qui sont souvent monumentales et superbes, quoiqu’un peu artificielles. Les prouesses techniques ne sont pas loin, notamment lorsque les gens d’En-Haut et d’En-Bas cohabitent au plus près. D’autres devraient en prendre de la graine et Upside Down prend finalement une tournure assez fantastique, plus que de Science-Fiction vu que la « Science » est tout de même bafouée dans ses grandes largeurs. C’est beau et léché et servi par un ensemble d’idées malines et bien exploitées au service du concept de gravitations inverses. On suit avec plaisir les différentes facéties d’Adam, servi par un excellent Jim Sturgess parfaitement taillé pour le rôle. L’acteur vu dans Cloud Atlas plus tôt cette année porte le film à lui tout seul, et étrangement Kirsten Dunst n’a pas grand-chose à faire. Timothy Spall, dans le rôle du débonnaire collègue de travail d’Adam, est une des bonnes surprises du film. Film qui ne brille pas forcément par son scénario, surtout prétexte aux nombreuses scènes qui font intervenir les concepts gravitationnels, et qui souffre de quelques trous ou raccourcis surtout sur la fin. Ceci se fait donc au détriment de la romance, qui en reste à l’essentiel et ne part pas dans le dégoulinant, mais aussi au détriment de l’aspect « social » du film avec les gens d’En-Bas qui sont mis au ban de la société. Mais bon, on est pas chez Neill Blomkamp non plus et Upside Down reste un film léger et coloré de science-fiction fantastique et onirique, quasi-hallucinatoire, qui au final tient ses promesses.


De légères faiblesses font qu’Upside Down ne peut pas viser plus haut que le titre du film le plus original de l’année. Mais pour cet aspect, le film franco-canado-argentin est une réussite totale. Passés les exagérations scientifiques de rigueur qui rendent dubitatifs sur le concept, Juan Solanas a su exploiter l’univers onirique qu’il a créé à la perfection, avec des idées et des scènes finalement excellentes, portées par un Jim Sturgess au meilleur de sa forme. Et la beauté de l’ensemble ne peut laisser indifférent, de même que la pure création qui semble tout droit sorti de l’esprit d’Ariane dans Inception. Un film au concept inédit et prenant, qui réserve un lot de bonnes surprises et qui possède plusieurs degrés de visionnage, selon qu’on s’intéresse à l’histoire, aux images ou aux concepts de gravitation qui sont exploités à fond (même si des détails posent des questions légitimes). Un super film assez inclassable et transgenre, qui dépasse le stade de simple curiosité et mérite d’être vu par tout le monde, ne serait-ce que pour apprécier le talent de Juan Solanas pour créer quelque chose de résolument original.
Note : 8/10

vendredi 16 août 2013

Elysium

Je ne vais pas revenir en détail sur District 9, le premier long-métrage de Neill Blomkamp qui a fait l’objet de ma précédente critique. Ce film est entré dans l’histoire du cinéma et quatre ans plus tard, la seconde œuvre du réalisateur Sud-Africain est pour le moins attendue. Enigmatique au départ, Elysium a fini par se dévoiler d’un coup d’un seul avec un trailer pétaradant. C’est dit, Blomkamp va se lâcher avec le budget qu’on lui a alloué, mais ce n’est pas pour autant qu’il va abandonner ses messages humanistes. Elysium se présente à nouveau comme un film social doublé d’une redoutable œuvre de science-fiction, avec un peu d’action pour pouvoir se retrouver dans la case « blockbuster ». La recette a fait ses preuves pour District 9, son « successeur » était donc attendu comme étant la tuerie de l’année. Allez, on y va tout de suite, on rentre direct dans le vif du sujet, on ne cherche pas à meubler ce premier paragraphe plus que de raison. Hop hop hop.

En 2154, la Terre a été abandonnée par les élites qui sont allées s’installer sur une station spatiale de luxe en orbite, Elysium. Les pauvres sont restés sur la planète qui est devenue un gigantesque bidonville. Max (Matt Damon), un repris de justice presque repenti, travaille à Los Angeles pour le compte de la société Armadyne, qui fabrique les robots qui contrôlent désormais la population terrienne. Mais suite à une irradiation accidentelle, Max n’a plus que 5 jours à vivre. Seules les machines médicales présentes sur Elysium pourraient lui sauver la vie. Pour pouvoir atteindre la station spatiale, il s’allie avec Spider (Wagner Moura) dans le but de voler des informations à Carlyle (William Fichtner), le président d’Armadyne. Mais ce dernier est impliqué dans un complot politique fomenté par la secrétaire à la défense d’Elysium (Jodie Foster). Le vol des informations détenues par Carlyle va donc compliquer les choses pour Max, doté d’un puissant exosquelette, qui va se retrouver avec le redoutable Kruger (Sharlto Copley) à ses trousses, et va embarquer dans sa galère Frey (Alice Braga), une amie d’enfance qui cherche à gagner Elysium pour soigner sa fille…

District 9 avait un message humaniste sous-jacent qui ne perturbait à aucun moment le visionnage. Ici, le côté humaniste est encore plus présent, mais à nouveau cela n’empêche à aucun moment de se focaliser sur la science-fiction proposée. D’ailleurs le « message » est le seul rapport que l’on peut faire entre District 9 et Elysium car pour le reste, ça n’a plus rien à voir. Exit le côté documentaire foutraque de District 9 et place à un film d’action/SF résolument futuriste. Neill Blomkamp a exploité à fond les deniers fournis par Hollywood, pour le meilleur (c’est aussi bien foutu que District 9 et les scènes plus spatiales sont superbes) et pour le pire (il se lâche sur des ralentis inutiles façon Zack Snyder et n’est pas le plus doué pour filmer les combats, qui sont ici bordéliques). Côté action et décors, que ce soit la Terre décrépie ou le fringant Elysium, on est servi sans partir dans des exagérations inutiles (même si Blomkamp nous ressert ses morts « façon puzzle », et un tas d’armes high-tech), ce n’est pas vraiment un film d’action (certaines scènes évoquent plus les films de guerre à l’instar de District 9 d’ailleurs) et il y a juste ce qu’il faut. Côté scénario tout est bien goupillé, si les rebondissements importants sont rares l’histoire pose ses pions comme il faut. Tout est guidé par le côté humaniste de l’ensemble, avec des pauvres prêts à tout pour sauver leur peau et des riches dont la cruauté et le dédain pour ceux « d’en bas » n’a pas d’égal. Cliché ? Non, tout ceci était attendu et tout simplement, Elysium tient toutes ses promesses. Blomkamp peut faire mieux, mais il débute dans la réalisation à gros budget et on pardonne les quelques approximations d’usage.

Max De Costa succède à l’inénarrable Wikus Van De Merwe et l’exploitation des personnages sont similaires. Le héros et faible et va devoir se surpasser pour se sortir de la galère. Matt Damon campe donc un personnage fringant au départ, mais qui rongé par la maladie va s’affaiblir sérieusement, et va devoir compter sur son exosquelette et ses médocs pour s’en sortir, et surtout donner un coup de semonce sur la fin. Blomkamp possède donc un certain savoir-faire pour créer une histoire à partir de personnages à fleur de peau, et si Matt Damon n’est pas spécialement impressionnant il fait le boulot avec brio. Sharlto Copley, héros de District 9, change de camp et campe ici le némésis de Max. Une fausse bonne idée car le personnage de Kruger n’est pas vraiment convaincant, je pense qu’il aurait pu être encore plus taré et Copley n’est pas forcément super crédible dans le rôle. Jodie Foster et William Fichtner sont eux parfaits dans leur rôle de riches nantis qui n’ont que bien peu de considération pour les pouilleux de la Terre, ils renforcent d’autant plus le message du film de par leurs personnages hautement détestables. Alice Braga ne fait rien de remarquable mais ce n’est pas très grave, et on retrouvera quelques personnages secondaires amusants, des sbires de Kruger aux potes de Max et de Spider (très bon Wagner Moura).

Alors certes, Elysium n’est pas exceptionnel, ce n’est pas le film du siècle et en ce qui me concerne pas celui de l’année (la baffe de Man Of Steel fait encore mal), mais la déception n’est pas au rendez-vous. Ce film est conforme aux attentes, ni plus ni moins. Il n’y a donc pas vraiment de surprise et des petits défauts (de réalisation notamment, et Sharlto Copley) viennent ternir le tableau, mais ce qui est sûr c’est que Elysium est un excellent blockbuster SF. District 9 est meilleur, mais hormis le message et l’exploitation du personnage principal ce n’est pas comparable. Les décors sont bons, le scénario est bon, les personnages sont bons, on ne s’ennuie pas (aucune longueur n’est à déplorer en 1h50) et le film a le bon goût de ne pas partir dans l’excès au niveau de l’action. De l’action/SF intelligente qui, toutes proportions gardées, me fait penser à ce qu’Andrew Niccol avait fait avec Time Out il y a deux ans, même si l’ensemble est totalement différent (l’univers spécifique à Time Out étant remplacé par un apparat futuriste légèrement post-apo). Neill Blomkamp doit encore progresser pour devenir un bon réalisateur de blockbuster, mais au moins sa patte est présente de même que son discours humaniste qui reste contrôlé et ne s’improvise jamais donneur de leçons. Un blockbuster SF toujours à part même si « normalisé » sur certains points, qui ne restera pas dans les annales comme District 9, mais qui est tout de même suffisamment bien torché pour faire partie des films marquants de cette année.
Note : 8.5/10

mardi 13 août 2013

District 9

Oh ce film, comment je regrette de ne pas être allé le voir sur grand écran, il mérite bien mieux qu’un visionnage au détour d’une des chaînes ciné de Canal Sat ou de la TNT. Par manque de temps et par « doute », je lui avais préféré en salles Ultimate Game à l’époque, film infiniment moins bien que la tuerie de Neill Blomkamp. Des doutes, parlons-en car District 9 avait été vanté pour son message « humaniste », et son côté « faux documentaire », deux choses qui ne m’avaient pas franchement motivé à vrai dire. Et grossière erreur, car ce n’est pas vraiment ça. District 9 se pose juste comme un des films de science-fiction les plus osés et les plus originaux des années 2000. Il y a du talent en barre là-dedans et cet inattendu film sud-africain/néo-zélandais, on peut maintenant le dire avec recul, a fait date. Développons.

L’histoire tout d’abord : un vaisseau alien a débarqué sur Terre en 1982, à Johannesburg plus précisément (en Afrique du Sud, bande de géographes du dimanche). Par la force des choses, ils sont devenus des réfugiés et ont été parqués dans un bidonville géant, le district 9. Exaspérée par ces « crevettes » et toutes les contraintes qui découlent de la cohabitation, la population de Johannesburg a fini par manifester son mécontentement. Les aliens vont donc devoir être déplacés vers un district 10 tout neuf. Une puissante multinationale va se charger de la manœuvre, le MNU. Pour ce faire, elle nomme un parfait boulet à la tête de l’opération, Wikus Van de Merwe (Sharlto Copley), accessoirement beau-fils du boss du MNU. Accompagné par sa fine équipe, Wikus s’occupe de faire signer des arrêtés d’expulsion aux aliens qui ne comprennent rien à rien et signent en échange de… conserves de pâtée pour chat. Mais sous couvert de tout ça, le MNU a d’autres intentions, à savoir récupérer un armement alien somme tout intéressant… s’il pouvait être utilisé par les humains. En délogeant les aliens, Wikus va se retrouver bien malgré lui contaminé par une substance étrange. Substance qui va, petit à petit, le transformer en « crevette »… Retenu par le MNU qui veut alors en faire un cobaye et donner son corps à la « science » pour utiliser les fameuses armes alien, Wikus va devoir s’échapper, avec le puissant Colonel Koobus (David James) à ses trousses. Il va alors trouver refuge auprès des aliens dans le district 9 qui, eux, ont un plan pour faire décoller leur vaisseau stationné dans le ciel de Johannesburg depuis des lustres, et fuir…

Au niveau du fond, rien n’est donc bien compliqué. Mais la forme, elle, va casser des codes. Comme prévu, le film est structuré à la manière d’un reportage documentaire, avec des intervenants et des extraits de JT en direct. On suit donc les pérégrinations de Wikus au travers d’un cameraman suivant son équipe, dans un apparat « found footage » qui ne tombe pourtant pas dans l’extrême du genre. Du moins c’est la forme employée dans la première moitié du film, avant que cet aspect ne s’estompe pour suivre les aventures du Wikus mi-humain mi-crevette. La réa est donc dynamique, coup-de-poing et survitaminée. Et le ton va suivre, avec un début de film carrément décalé avec des scènes parfois carrément comiques, voire incongrues. Blomkamp nous livre donc une œuvre totalement libre des codes, jouant sur un mélange filmique et documentaire avec une approche très réaliste. Les effets spéciaux sont d’ailleurs tout à fait exceptionnels, les aliens voulus crasseux et dégueulasses en deviennent limite beaux tellement ils sont bien faits et bien animés. Le seul point noir et que Blomkamp ne lésine pas sur les morts gore, avec l’armement alien qui éparpille façon puzzle. L’avantage, c’est que le tout en devient totalement jouissif, avec une dernière partie de film plus « guerrière » qui envoie du bois. L’histoire est excellente, la réalisation juste impeccable, le film est diaboliquement rythmé et avare en temps morts, ce depuis les premières minutes.

Un autre atout de taille fait que District 9 est une réussite : la performance de Sharlto Copley. C’est la véritable star du film et à vrai dire, il n’y a personne d’autre à retenir, si ce n’est David James en Colonel sans foi ni loi, et Jason Cope qui joue… l’alien dénommé « Christopher Johnson » en motion capture. Wikus est un boulet, appliqué et motivé mais frêle, bavard, procédurier et trop curieux. Copley joue donc à la perfection ce personnage allumé prêt à tout pour sauver sa peau, quitte à devenir complètement hystérique. Les passages où il fait l’intéressant devant la caméra en début de film sont hilarants, et le reste de sa performance prend aux tripes, dans ce personnage révolté tiraillé entre deux races, en lequel tout le monde peut s’identifier. Profitons-en pour évacuer le côté « humain » du film avec ses références cachées à l’apartheid ou au racisme latent. Certes, les aliens sont persécutés, moqués, utilisés pour des expérimentations militaires obscures scandaleuses, mais tout cet aspect « militant » était implicite et ce dès la lecture du pitch. Donc Blomkamp ne brode pas tant que ça dessus et on reste à l’essentiel, pour laisser place à l’histoire principale qui est le sort de Wikus au milieu de tout ça, passant d’un héros de reportage télé à un pestiféré accusé de trahison.

Ce film de science-fiction transgenre (on passe de la satire sociale au body horror en passant par des scènes de guerilla urbaines) est avant tout le premier long-métrage de Neill Blomkamp, mais est surtout une réussite totale qui a fait date. Avec peu de moyens et un aspect volontairement foutraque et explosif, District 9 est un des films de SF les plus marquants de ces 10 dernières années. Le côté social de l’ensemble peut être mis de côté pour apprécier le travail sur le reste, réalisation et acteurs, et tout le monde livre ici une performance inoubliable, pour un film original et grinçant. Blomkamp a des idées et du talent à revendre dans un style très personnel et explosif ici, si Hollywood ne le broie pas avec les millions de dollars Elysium sera la prochaine réussite à accrocher à son palmarès en attendant un éventuel District 10. En attendant, cet OFNI est une bonne tuerie à voir ou à revoir, c’est que les crevettes sont attachantes…
Note : 9/10

vendredi 2 août 2013

Insaisissables

Eh bien dites-donc, en cette année 2013 on croirait que les magiciens, illusionnistes et autres prestigidateurs sont à la mode. Après The Incredible Burt Wonderstone (ou plutôt avant, s’il daigne sortir un jour en France), voilà Insaisissables. Un film dont je n’avais d’ailleurs jamais entendu parler seulement deux semaines avant sa sortie, découvert au détour du mag Côté Ciné et de la bande-annonce vue avant Pacific Rim. Le film américain avec un réalisateur français (Louis Leterrier) et des acteurs français. Pas de Bessonerie et Insaisissables semble être une production à part. Je n’ai donc vu que bien peu de promotion autour de ce film voulant mêler magie et action, pourtant son démarrage en salles semble plus que satisfaisant. C’est l’effet « film américain fait par des français » ? Toujours est-il que le pitch original et la bande-annonce semble alléchante. J’ai donc préféré ce film sorti de nulle part à R.I.P.D. sorti le même jour. Sachant que ce dernier fait peur (en termes de qualité, pas parce qu’il y a des fantômes), qu’a Insaisissables comme arguments pour sortir vainqueur de ce match du 31 juillet ?

Quatre magiciens talentueux mais un brin malhonnêtes sont réunis à New York par un mystérieux messager : Daniel Atlas (Jesse Eisenberg) un habile manipulateur de cartes, Merritt McKinney (Woddy Harrelson) un mentaliste hypnotiseur et arnaqueur, Jack Wilder (Dave Franco, oui le « frère de ») un plieur de cuillères doublé d’un pickpocket, et Henley Reeves (Isla Fisher) une habituée aux numéros d’évasion dangereux. Un an après leur rencontre, les quatre cavaliers (« The Four Horsemen » en VO, oui oui comme Metallica) ont bien monté leur affaire grâce aux deniers de Tressler (Michael Caine), et à l’occasion d’un spectacle à Las Vegas ils vont présenter un tour bien particulier : un braquage d’une banque française à distance. Un tour de magie pour distribuer des € au public qui va de suite attirer l’attention du FBI et d’Interpol. Dylan Rhodes (Mark Ruffalo) et Alma Dray (Mélanie Laurent) vont donc se retrouver à leurs trousses, en essayant de les empêcher de jouer d’autres mauvais tours. Ils vont alors devoir solliciter l’aide de Thaddeus Bradley (Morgan Freeman), un magicien spécialisé dans le démontage et l’explication des tours de magie… Mais les quatre cavaliers sont insaisissables et essayent de leur côté d’atteindre leur but, très mystique…

« Ne bougez plus. »

Si le film était présenté comme un mix entre de l’action et de la magie, il laisse surtout -voire presque toute- la place à la deuxième composante. On aurait envie de dire tant mieux, car se retrouver avec une Bessonerie ou de l’action à donf (Louis Leterrier a réalisé les deux premiers Transporteur, Danny The Dog, L’Incroyable Hulk…) n’était pas forcément adapté à un film sur la magie. Pourtant, cela aurait pu donner un peu plus de punch à un film plus bavard que palpitant. L’action, c’est un peu de bagarre et une poursuite en voiture (qui se suivent d’ailleurs), et c’est tout. Tout le reste est centré sur la magie, avec les tentatives de Dylan pour y comprendre quelque chose, décortiquer les évènements, anticiper et essayer d’avoir un coup d’avance sur les magiciens, ou de ne pas en avoir trop de coups de retard. Le film, qui joue pourtant la carte d’une longe intro histoire de présenter les personnages et se mettre dans le bain (la scène à Las Vegas avec le braquage de banque intervient finalement assez tard, même si c’est de l’ordre du relatif), souffre bien vite de longueurs avec des dialogues et autres explications de Thaddeus, avant de se réveiller sensiblement sur la fin. Plus que les pérégrinations des 4 magiciens, l’action principale se situe surtout autour de Dylan et de ses tentatives pour les retrouver et les arrêter, ce qui nous donne des intrigues secondaires qui deviennent bien vite tertiaires… et on aurait plus aimé avoir le point de vue des magiciens et leur « quête » plus en détail.

Du coup le scénario est légèrement étriqué mais il n’en souffre pas tant que ça. Rien n’est trop tordu dans ce film, ce qui est un bon et un mauvais point, car c’est facile à suivre (il faut être bien éveillé quand même) mais on sent que le film aurait pu aller plus loin. Certains rebondissements sont prévisibles, d’autres beaucoup moins (je pense à la révélation fracassante à la fin, peut-être un peu grotesque d’ailleurs mais ça tient la route et dénoue le tout). Le film se laisse suivre mais se masque derrière une fausse complexité au final, comme les illusions qu’il présente. On se prend plus de sympathie pour ce quatuor de magiciens qui ont plus d’un tour dans leur sac (avec quelques trucs bluffants), ainsi que pour l’équipe de bras cassés qui essayent de les empêcher de « nuire », et qui souffrent de leurs coups tordus, que pour l’histoire en elle-même. Le film est surtout axé sur certaines doctrines de la magie, style « regardez plus près » ou « le magicien détourne votre attention », ce qui est le point fort du film qui a vraiment tout misé sur les concepts de la magie. Les acteurs portent également le film, notamment Mark Ruffalo excellent de bout en bout (c’est presque le personnage principal), ainsi que les 4 cavaliers bien qu’il manque un petit quelque chose pour donner à leurs personnages plus de relief, ce qui rejoint ce que je disais sur le fait qu’ils passent trop au second plan. Morgan Freeman et Michael Caine font (respectivement) du Morgan Freeman et du Michael Caine, et c’est très bien. Quand à nos deux frenchies, c’est là que ça coince : Mélanie Laurent est vraiment peu convaincante, à des années-lumière de Inglorious Basterds (donc on ne brandira pas l’excuse « premier film international »), quant à José Garcia c’est plus de la figuration qu’autre chose… c’est juste histoire de dire qu’on a mis un français pour jouer un français, voilà quoi.

Ce qui est le plus à déplorer concernant Insaisissables, c’est surtout qu’il soit anecdotique. Le pitch est original, l’univers de la magie bien mis en valeur, mais sinon ce film difficile à classer (ni trop action, ni vraiment thriller, un peu policier, un peu comédie, fantastique sans l’être…) a finalement trop peu d’arguments pour rester dans les mémoires. C’est un film un minimum bien ficelé qui brode autour de l’univers de la magie et d’histoires de vols et braquages, parfois avec brio, mais dans l’ensemble assez inégal et qui aurait bénéficié de l’apport d’un peu plus de folie. Trop timide pour se démarquer de la masse, souffrant de longueurs et d’un manque de développement de certains points, Insaisissables se pose finalement comme une sortie franco-américaine assez mineure (d’ailleurs les effets spéciaux ne sont pas géniaux). C’est sympathique à suivre mais ça ne va pas franchement chercher bien loin. Ça plaira à ceux qui sont du genre à suivre les émissions « comment sont fait les tours de magie » présentés il fut un temps par Denis Brogniart sur une obscure chaîne de la TNT, pour les autres ça sera une curiosité, pas la bouse de l’année mais pas un film qui tutoiera le Top Ten. Insaisissables était prometteur, mais on reste un peu sur sa faim et il y avait avec certitude moyen de faire mieux au global. C’est un peu dommage.
Note : 6/10