En 2010, Inception avait subjugué pas mal de monde avec
son concept léché et travaillé autour du rêve, surtout moi qui en a depuis fait
un culte absolu. Voir débarquer un film comparé à ce chef-d’œuvre provoque donc
un certain frémissement, surtout qu’on ne peut pas dire que des films au
concept comparable soient légion et les possibilités semblent restreintes.
Passé inaperçu, Trance est pourtant de l’œuvre de Danny Boyle, à peine remis de
ses oscars et de la cérémonie des JO. Et son nouveau bébé serait donc à ranger
aux côtés de Inception. Le trailer ne laisse pourtant rien entrevoir de
mirobolant, et le pitch annonce juste un thriller psychologique lambda mais
plutôt intéressant. Le concept des rêves laisserait place à une utilisation de
l’hypnose et des « niveaux de conscience ». On peut légitimement
s’attendre à un scénario tordu qui multiplie les fausses pistes et la difficile
différence entre hypnose et réalité. Les premières critiques parlent de
manipulations diverses et d’un scénario tortueux qui embrouille le spectateur.
Voilà qui est prometteur et en étant disposé à réfléchir, il ne reste plus qu’à
se plonger dans l’histoire proposée par Trance.
Simon (James McAvoy) est un commissaire-priseur embêté
par des dettes de jeu, alors qu’il voit circuler tous les jours des œuvres d’art
qui se négocient à coups de dizaines de millions de dollars. Il décide donc de
s’associer à une bande de malfrats menée par Franck (Vincent Cassel) pour
commettre un vol au sein même de sa propre boîte. Dans le feu de l’action,
Simon se prend un vilain coup sur la tête, et mettra quelques jours à se
rétablir complètement. Problème : Simon a planqué le tableau convoité par
Franck, mais est incapable de se souvenir de l’endroit où il l’a laissé. Franck
n’a d’autre choix que de fouiller de fond en comble l’appart de Simon et de le
torturer, en vain. Les deux décident donc de faire appel à une spécialiste en
hypnose, Elizabeth (Rosario Dawson), afin de sonder l’esprit de Simon et lui
faire retrouver la mémoire. Elizabeth exige de s’intégrer à l’équipe de
malfrats afin de mener à bien la mission, tout en utilisant des méthodes peu
orthodoxes qui vont semer le brin dans l’esprit de Simon et compliquer la tâche
de tout le monde…
« Bon alors, ça y est, tu te souviens ? »
Si Inception proposait une longue mise en place et une
explication poussée des principes du rêve partagé, Trance est bien loin de tout
ça et se concentre plus sur l’aspect thriller psycho de l’ensemble, sans
chercher à se créer un concept hypnotique. Ce qui est une bonne et une mauvaise
chose, car ça n’en devient pas technique et imbuvable mais le travail sur
l’hypnose passe vite au second plan (avec quelques trucs un peu inutiles),
alors qu’il y avait peut-être moyen de pousser un peu plus le truc. On suit
donc plutôt les tentatives d’Elizabeth de percer l’esprit de Simon avec tout ce
que ça implique, dont l’impatience de Franck. Pas de « niveaux de
conscience » (ils ont vu ça où ?), pas trop de confusion entre état
normal et hypnotisé (même si parfois les séquences se mélangent volontairement),
bref pas grand-chose de tordu. Même quand le film tente de brouiller les
pistes, il retombe très vite sur ses pattes. Mais Trance reste donc digeste et
sait quand même ménager son suspense, avec des révélations qui s’enchaînent
surtout que le point de départ est simple (un vol classique de tableau avec un
commissaire-priseur complice, avec comme seul inconnue « qu’a-t-il fait du
tableau ? »), on en cherche tout simplement la réponse avant de
s’engager progressivement dans d’autres voies… Il me sera difficile de
développer le scénario sans révéler trop de grandes lignes, toujours est-il que
Trance est tout à fait passionnant et prenant et si le rythme global du film
n’est pas très élevé, peu de longueurs sont à déplorer. On se laisse vite
prendre dans l’histoire tortueuse mais-pas-trop et par les différents moyens
mis en place pour faire retrouver la mémoire à Simon, sans partir dans le WTF
ou dans des circonvolutions incongrues, même s’il y avait moyen de faire
quelque chose de plus barré sans partir dans l’excès de psychédélisme, et ce
n’est que dans le dernier tiers du film que Danny Boyle cherche à semer
quelques doutes sur l’état hypnotique ou bien réel… avant un twist final plutôt
inattendu voire sorti de nulle part, mais permettant à l’ensemble du film de
bien se goupiller.
Parlons de Danny Boyle vu qu’il se lâche tout en restant
cependant sobre. Inutile de dire que l’ensemble est excellemment filmé et que
techniquement, Trance est irréprochable. Le psychédélisme ne se retrouve pas
dans les images (rien de bien délirant visuellement) mais plutôt dans la
musique assez déroutante mais prenante. Mais Boyle n’hésite pas à partir dans
le cru et dans une certaine violence visuelle par petites touches. Outre une
courte scène de nu intégral (oui, intégral), le gore sera légèrement mis à
l’honneur et sans trop en dire, certains passages font bien mal, sans partir
dans l’escalade le film envoie un peu d’hémoglobine sur sa fin. Trance a l’air
gentil de prime d’abord, mais n’est pas pour tout public c’est certain… Boyle
s’appuie également sur ses acteurs pour porter son histoire, et une fois de
plus James McAvoy est tout simplement prodigieux. Si son personnage est un peu
proche de celui qu’il campait dans Wanted (on peut même faire une analogie
entre la façon dont l’histoire est narrée par l’acteur dans les deux films), il
se révèle au fur et à mesure du film et finit par littéralement faire exploser
l’écran avec lui. J’avais un peu peur concernant Vincent Cassel, dont
« j’aime pas la gueule », mais finalement il tient bien son rôle et
ça aurait pu être pire. Rosario Dawson est également parfaite dans le rôle
d’hypnotisatric… euh, de toubib qui pratique l’hypnose, et elle se révèle
également plus complexe qu’il n’y paraît au fil du film. A part ce trio il n’y
a rien, si ce n’est les complices de Franck dont Nates (Danny Sapani) parvient
à légèrement tirer son épingle du jeu. Sinon, on notera que le film essaie de
vendre des tablettes tactiles à qui n’en veut… jusque dans l’univers
hypnotique. Mais bien sûr…
J’étais prêt à tout voir (sauf les délires visuels
abscons que frôlait allègrement Sunshine), et au final Trance est moins tordu
qu’il n’y paraît, ce qui est un peu dommage mais du coup le film évite d’en
faire des tonnes. Il y avait probablement moyen d’en faire un peu plus et de
multiplier les paradoxes et confusions entre hypnose et monde réel, mais en
l’état Trance se suffit à lui-même et c’est pas trop mal, c’est très bien même.
Bien ficelé et prenant, Trance est une réussite qui reste accessible même si
les touches de violence visuelle semi-gratuites peuvent rebuter. Ni
« trop » ni « pas assez », Boyle raconte donc une histoire
bien équilibrée pour un thriller psychologique sans prétention qui parvient à
être tout à fait captivant, en étant servi par d’excellents acteurs et une
réalisation aux petits oignons. Pas la perfection absolue et Inception est bien
loin, Boyle aurait pu faire encore mieux mais Trance accroche le spectateur du
début à la fin et au global est un très bon film du genre « psycho ».
Note : 7.5/10
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