Le football au cinéma, c’est un programme très restreint
et il n’y a guère que nous français pour se pencher sur la question. Je ne vais
pas essayer d’être exhaustif, mais à ce sujet deux films me viennent
immédiatement à l’esprit. Le premier est Les Collègues, sorti en 1999. Si je
l’ai vu plusieurs fois il fut un temps, il ne m’évoque plus que 4 choses :
Joël Cantona, « moi je pisse droit », la finale de la Coupe du Monde
1998 un mardi et l’hilarant gardien de but qui carbure au pastis. Le second est
3 Zéros, sorti en 2001. Celui-ci était une réussite, une peinture mordante et
explosive du foot-business. J’ai presque envie de dire qu’il est culte tiens,
et même limite réaliste par rapport à ce qu’on nous sert desfois (eh oui, faire
rentrer une jeune recrue dans un match de coupe UEFA, c’est tout à fait
crédible). C’est qu’en s’attaquant à un sujet précis, nous français avons
tendance à réinventer tous les codes et à nous placer dans un autre
espace-temps. C’était par exemple le cas de Pop Redemption cette année.
Quelques mois plus tôt sortait Les Seigneurs, qui est donc une nouvelle comédie
sur le football. Ça ne paye pas de mine comme ça et ça sent le film qui va
traiter son sujet principal très superficiellement. Je n’ai pas commis
l’affront d’aller le voir au cinéma (je préfère payer ma place pour des films
qui ont un intérêt visuel à être vus sur toile blanche…), alors voici une
séance de rattrapage grâce à la mise en clair de Canal+ en septembre pour les
abonnés CanalSat.
Patrick Orbéra (José Garcia) est une ancienne star du
football et coach prometteur, qui a été ruiné par des démêlés avec le fisc et
des problèmes d’alcool. Suite à un pétage de plombs sur le plateau de Téléfoot
où il était consultant, il est à deux doigts de perdre la garde de sa fille, et
est contraint d’accepter le poste d’entraîneur du club amateur breton de
Molène. Sous la houlette de Titouan Legennec (Jean-Pierre Marielle), il doit
réussir à atteindre les 32èmes de finale de la Coupe de France avec l’équipe
locale. La bourgade insulaire a en effet besoin de la recette des matchs pour
pouvoir sauver sa conserverie locale, menacée de liquidation. Se rendant compte
que l’équipe dont il a la charge est bien faible, malgré le prometteur Le Pen
(Le compte de Bouderbala), il décide d’appeler à la rescousse 5 de ses anciens
coéquipiers : Fabien Marandella (Ramzy Bedia), gardien de but accro à la
drogue qui veut désormais jouer avant-centre, Rayane Ziani (Gad Elmaleh),
milieu offensif sujet à la dépression et aux crises d’angoisse, Wéké N’Dogo
(Omar Sy), défenseur central dont la carrière a été perturbée par des problèmes
cardiaques, Shaheef Berda (Joey Starr), milieu défensif qui fait des séjours en
prison en Angleterre, et David Léandri (Franck Dubosc), buteur qui s’est
reconverti acteur et qui sera bien difficile à convaincre. Orbéra va devoir
donc tant bien que mal canaliser son équipe et faire avec les frasques de
chacun, sous la pression de Legennec et des insulaires déterminés à sauver leur
conserverie…
Pour commencer, on ne saura en quelle division joue le
club de Molène. Vu le niveau des joueurs à la base, on pourrait dire bas de
tableau de 2ème division de district… Bon ce n’est pas bien grave,
car pour le reste et pour l’organisation même des tours de Coupe de France, la
réalité des choses est respectée (malgré quelques raccourcis). Mais il est
toujours étonnant de voir se croiser des faits réels et des faits inventés sur
fond d’une certaine culture football (l’Atletico Madrid, il fallait aller le
chercher !), Zidane a droit de cité, Christian Jeanpierre est aussi aux
commandes de Téléfoot, mais par contre tout ce beau monde a dû côtoyer les
protagonistes du film dans une histoire footballistique parallèle… Et c’est
bien beau de citer Zidane, mais N’Dogo / Omar Sy est un faux Thuram à
100% : les lunettes, la couleur de peau, le poste, le sérieux du
personnage (le moins barré du lot), le geste du doigt lorsqu’il met un but… Les
Seigneurs est donc sans cesse tiraillé entre l’invention et la volonté de citer
des références, qui sont donc réduites au strict minimum. Bon à la limite on
s’en cogne, c’est un film. Deux questions importantes se posent : Est-ce
que ça respecte le football ? Le foot se joue à 11 (bon, avec des
remplaçants, messieurs les scénaristes) et dans les images de match, ça ne se
voit pas trop pour se focaliser sur les 5 compères. Mais pas d’exagérations ou
de trucs qui réinventent carrément les règles du football, le tout reste
crédible et c’est déjà bien (on a même droit à de jolis buts). Le fameux match
des 32èmes de finale contre l’OM (oui je spoile mais en même temps wikipédia le
fait aussi…) est d’ailleurs filmé d’un point de vue très réaliste, dans le
véritable stade de Brest. Les joueurs portent même le maillot officiel de la
Coupe de France avec son flocage ! Bien évidemment, l’équipe de l’OM n’est
pas la vraie équipe de l’OM mais ce n’est pas bien grave non plus (par contre,
à ce que j’ai pu voir dans le générique ce sont de vrais joueurs de foot, j’y
ai vu le nom de Stéphane Léoni, ex-FC Metz, et 2-3 autres noms qui me
semblaient connus…). Enfin bon, dans 3 Zéros il y avait les vrais joueurs du
PSG et d’autres personnalités… Donc bon, Les Seigneurs ne massacre pas
l’univers même du football, même s’il ne se pose pas comme un pur hommage non
plus, malgré un fond de culture foot évident.
La seconde question : est-ce que c’est drôle ?
Parce que c’est une comédie sur le football (certes), mais une comédie quand
même. C’est là que ça peut coincer. Les Seigneurs ne fait pas rire sur des
clins d’œil, alors qu’il y avait largement la place de faire quelque chose en
ce sens, ce qui est d’ailleurs un peu décevant. Reste juste le gag bien pensé
du huis-clos suite au fumi balancé sur le terrain, ainsi que la culture du
« petit poucet » et la sempiternelle panenka, mais à part ça… Le film
joue à la fois sur le comique de situation et sur des répliques bien senties.
Ça fonctionne de temps en temps, on rit quelquefois de bon cœur, mais rien
d’excessivement hilarant, surtout que le film est nettement tempéré par le côté
grave et social et les bons sentiments (bien évidemment), servi par un scénario
sans fioritures ni énormes rebondissements. Bien sûr, Les Seigneurs joue à fond
la carte des personnages, mais ils sont à la fois caricaturaux et mal
exploités. Chacun à sa « particularité » qui intervient forcément à
un moment des intrigues (la panenka de Léandri, les problèmes cardiaques de
N’Dogo, les angoisses de Ziani…), mais c’est trop attendu et ça ne fonctionne
pas. Et la caricature est bien évidemment trop grossière et surtout peu
crédible, notamment les personnages de Marandella (le drogué corruptible) et
Berda (le bourrin irritable), aucun footballeur confirmé ne finira comme ça et
c’est exagéré au possible. Mais comme toujours, c’est un film… et on notera au
moins que chaque acteur est bien rentré dans son personnage et le joue à la
perfection, hormis un José Garcia finalement peu intéressant, un Franck Dubosc
un brin saoulant et un Gad Elmaleh bien trop lunatique (bon du coup, la moitié
des personnages ne prennent pas en fait…). Reste alors Jean-Pierre Marielle,
qui lui a toujours la grande classe (encore heureux), un caméo de Jean Reno, et
des acteurs tertiaires presque tous issus de pubs ou de programmes courts…
formidable casting à la française.
Bon, je m’attendais à bien pire, à un truc pas drôle et
cabotin comme pas possible qui torpille l’univers du football, ses règles et
ses compétitions. Il n’en est rien (surtout le second point) mais bon, il y
avait moyen de faire mieux et Les Seigneurs laisse un goût d’inachevé,
l’impression que le film ne va pas au bout de son sujet notamment sur le plan
footballistique (le foot-business n’est pas du tout évoqué, hormis quelques
petites vannes, bon d’un côté mieux vaut laisser ça à 3 Zéros qui le faisait
très bien), ainsi que sur le plan des personnages qui auraient pu être mieux
exploités, moins exagérés. Quant à l’humour de la chose, cela dépendra de
l’appréciation de chacun, de sa propension à lâcher quelques rires gras dans un
humour certes bien moins beauf que prévu. Crédible mais-pas-trop pour rester
une pochade franchouillarde mais-pas-trop-non-plus, Les Seigneurs remplit sa
mission de comédie légère sur le football (avec un fond social pour se donner
un genre) mais pas beaucoup plus. Ça reste correct, regardable, sympathique
sans être inoubliable, bien mis en scène et bien interprété, mais le score ne
reflète pas la physionomie de la partie. Les Seigneurs a bien tenu son match
mais aurait pu montrer bien plus de choses dans le jeu. Un film de niveau DHR
qui créé la surprise mais n’ira pas plus loin qu’une défaite aux tirs au but
contre une L1.
Note : 6/10
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