Edgar Wright + Simon Pegg + Nick Frost. Le trio infernal
qui a enfanté la série méconnue Spaced au début des années 2000 (tellement
méconnue que je ne l’ai toujours pas vue…) s’est bien vite mis au cinéma pour
donner naissance à une trilogie infernale baptisée « Blood and Ice Cream »
(parce qu’il y a du sang et des Cornettos), créant leur propre patte au sein de
comédies déjantées. Shaun Of The Dead est déjà un film culte mais
personnellement je ne l’ai jamais trop aimé, c’est une comédie d’horreur banale
et poussive juste portée par sa réalisation et ses acteurs. En revanche, Hot
Fuzz est une tuerie intergalactique, délivrant un scénario malin, des gimmicks
qui arrachent et une fin qui dépote. Après une absence de 6 ans marquée par un
film du duo Pegg-Frost sans Edgar Wright (Paul), voilà le retour tant attendu
du trio britannique pour clore cette trilogie dans une certaine apocalypse. On
avait attendu les extraterrestres (qui ont finalement débarqué pour Paul), on
attendait la fin du monde (le film devait à la base sortir aux alentours du 21
décembre 2012…), on aura les deux dans Le dernier pub avant La fin du monde,
ainsi que comme prévu du sang (même si c’est un sang un peu particulier…) et de
la glace (même s’il faut l’attendre !). Et l’humour corrosif du trio de
même que la mise en scène coup-de-poing. La totale.
A la fin des années 80, une bande de 5 potes décide de
faire en une soirée le « barathon de la voie maltée » dans une
charmante bourgade anglaise, Newton Heaven : il s’agit de déguster une
pinte de bière dans chacun des 12 bars de la ville, jusqu’au dernier répondant
au nom de « La fin du monde ». Mais l’échappée tourne court et le
quintette s’arrête à 9 bars. 20 ans plus tard, Gary (Simon Pegg), ado attardé
fan des Sisters Of Mercy, décide de retrouver ses potes pour refaire et
terminer ce qu’ils avaient commencé. Peter (Eddie Marsan), concessionnaire auto
très attaché à sa femme et à son père, Oliver « Le maudit » (Martin
Freeman), agent immobilier qui ne lâche pas son oreillette bluetooth, Steven
(Paddy Considine), travaillant dans le bâtiment et adepte de muscu, et Andy
(Nick Frost), chef d’entreprise épanoui mais renfermé, finissent par accepter
de suivre Gary dans sa quête, malgré la forte réticence d’Andy qui s’était
méchamment brouillé avec Gary suite à un fâcheux accident. Alors que les 5
potes entament la tournée, se remémorant les bons vieux moments et réglant
leurs comptes, ils vont se rendre compte que leur bourgade natale a été envahie
par des robots extraterrestres… Le quintette, accompagné de la sœur d’Oliver
(Rosamund Pike), va alors se disputer sur la marche à suivre pour se tirer de
la galère, les pintes s’accumulant dans le gosier n’aidant pas… tandis que Gary
est bien déterminé à finir le barathon coûte que coûte.
D’emblée, je vais évacuer les quelques défauts de Le
dernier pub avant La fin du monde histoire d’en finir : on notera déjà que
la Edgar Wright touch est un peu moins incisive que par le passé, abandonnant
presque certains gimmicks des deux premiers films comme les expressions qui
reviennent systématiquement une deuxième fois, au contraire des habituels gags.
Les dialogues sont moins percutants, à l’image des héros du film finalement :
ils ont mûri et sont plus sérieux. Le scénario, bien moins étoffé que celui de
Hot Fuzz, n’entretient pas le « mystère » comme avait pu le faire
avec brio Shaun Of The Dead également. Au final, après 40 minutes qui servent
en quelque sorte d’introduction (le sujet l’exige comme pour les deux autres
films), on est direct plongé dans la véritable intrigue et à partir de là, c’est
effectivement l’apocalypse filmique et la tuerie. Edgar Wright s’est lâché dans
les scènes de bagarres et nous envoie du jamais-vu chez lui, souvent
hallucinantes et terriblement jouissives, avec des prises vachement techniques
et même de véritables mouvements de catch ! Ce n’est pas cette fois-ci que
le déjanté et la WTFerie seront mis de côté, et au final Le dernier pub avant
La fin du monde et sans concession le film le plus original et le plus barré du
trio. Hormis le premier tiers pépère, ça va à cent à l’heure et ça aligne les
poursuites, bagarres et violentes prises de tête entre potes dans un joyeux
bordel drôle et efficace. J’ai eu peur que le film soit plat et parte dans le n’importe
quoi décevant : il n’en est rien et Le dernier pub avant La fin du monde
est tout simplement un pur film dans la tradition Wright/Pegg/Frost, même si un
peu différent des deux précédents opus de la trilogie.
Côté scénario, on continue à distiller quelques éléments
au fur et à mesure comme d’habitude, permettant de fluidifier et de comprendre
l’histoire (et de balancer des guests savoureux comme l’inattendu Pierce
Brosnan), mais c’est tout de même moins passionnant que Hot Fuzz. Mais comme
toujours c’est un prétexte pour envoyer la sauce dans d’excellentes scènes et
on en redemande. Comme toujours chez Edgar Wright, les acteurs sont tous
excellents : Simon Pegg est méconnaissable en gothique alcoolo, il
cabotine pas mal mais ça change radicalement de Mission Impossible et Star Trek
et ça fonctionne. Nick Frost lui vole presque la vedette en fin de film, grâce
à un personnage dont le comportement évolue au fil de l’histoire. Martin Freeman,
cantonné à des seconds rôles effacés après H2G2 (oui, même dans Le Hobbit on
ne le voit pas beaucoup !), a enfin ici un second rôle complet et
intéressant. Paddy Considine, dans un rôle presque à contre-emploi, est
également excellent tout comme le méconnu Eddie Marsan qui campe le personnage
le plus naïf dans la bande. Rosamund Pike tient également un rôle à contre-emploi
et s’en sort bien. Après le très Buddy Movie Hot Fuzz, Edgar Wright s’élargit
de nouveau à une bande complète et les acteurs portent une nouvelle fois un
film délicieusement déjanté, avec des codes bien singuliers de comédie mais
aussi d’action, de fantastique et de science-fiction.
Il est juste dommage que Le dernier pub avant La fin du
monde se termine sur un grand final dispensable et un peu maladroit, mais ce n’est
pas très grave et c’est finalement logique. La trilogie Blood and Ice Cream se
termine en apothéose, même si à mon sens Hot Fuzz restera à jamais la plus
grande réussite du trio Wright/Pegg/Frost. Le dernier pub avant La fin du monde
surpasse déjà pour moi Shaun Of The Dead qui n’était finalement qu’un round d’essai.
Ce troisième opus démarre timidement et on a vu les compères plus inspirés pour
les dialogues (peut-être est-ce à cause de la VF ? déjà que Pegg et Frost
n’ont toujours pas de doubleur attitré…) ainsi que pour les gimmicks incisifs,
mais vu que la partie « à fond » du film en constitue tout de même la
grande majorité, il serait dommage de bouder ce film pour du pinaillage. Le dernier
pub avant La fin du monde est une bonne tuerie jouissive, fun et nawakement
contrôlée, c’est l’essentiel et si le trio anglais a fait un peu mieux par le
passé, il n’a pas perdu son goût unique pour la comédie transgenre qui fait
mouche, servie par des acteurs en forme. Le dernier Cornetto avant l’apocalypse !
Note : 8/10
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