Treize ans que l’on attendait ça. Treize ! Ou le
numéro porte-malheur par excellence, ou bonheur sur vous n’êtes pas
superstitieux, ou le sobriquet donné à Olivia Wilde dans Dr. House. Treize ans
à remater incessamment les best-of en DVD, ceux proposés par des chaînes comme
TMC, ou quelques vidéos sur YouTube. Même plus de treize ans, car on ne peut
pas dire que Les Rois Mages était un indispensable, sympa et décalé mais trop
niais dans le fond. Les 3 Frères (1995) et Le Pari (1997) restent les deux
cultes absolus, auquel on pourrait jouer les fossoyeurs et ajouter Le Téléphone
sonne toujours deux fois (1985), alors que les Inconnus étaient encore cinq
avec Smaïn et Seymour Brussel… Les Inconnus, puisque c’est d’eux dont il
s’agit, sont donc véritablement de retour avec une suite de leur culte de 1995,
sobrement baptisée Les 3 Frères, le Retour. Tout le monde ou presque est
enchanté pour un film qui risque tout de même gros. Les Inconnus sont partout
pour une promo qui peut paraître forcée, peu enthousiaste de mon point de vue,
et inutile de dire qu’une accumulation de « mais c’est nul »
transformerait ce retour en un retour sans suite, anecdotique et raté à l’image
des Bronzés (même si j’avais trouvé Les Bronzés 3 bien moins catastrophique que
l’on veut bien l’entendre…). Et de toute façon, il sera moins bien que le
premier. Oui, on parle de la suite d’un culte, il est difficile voire
impossible de retrouver la verve de 1995 lorsque le trio était à son âge d’or,
et de faire au moins aussi bien. Donc oui, Les 3 Frères, le Retour est moins
bon que Les 3 Frères (et j’ai toujours préféré Le Pari…), mais cela était acté
d’avance et c’est bien insuffisant pour sabrer les Inconnus, la presse s’en
étant donnée à cœur joie et, pour une fois, à l’opposé du public… dont je
rejoins l’avis général mais avec de petites nuances logiques.
De nombreuses années après leurs aventures avec Mickaël,
les 3 frères Latour sont sur le point de se retrouver : les cendres de
Josie, leur mère défunte, ont été rapatriées en France et ses héritiers sont
convoqués chez un notaire, comme il y a 19 ans. Didier (Didier Bourdon) vivote
en vendant des articles érotiques en ligne dans sa bagnole, faisant croire
qu’il est un professeur de philosophie à une vieille fille qu’il a épousé pour
espérer récupérer l’héritage de sa belle-mère à l’agonie. Bernard (Bernard
Campan) est toujours un acteur raté, vivant dans une caravane de tournage, traînant
comme un boulet un rôle qu’il a eu dans une publicité de croquettes pour
chiens, et gagnant péniblement sa vie dans un one-man show minable. Pascal
(Pascal Légitimus) est au chômage mais se fait entretenir par Moss, une vieille
dame riche qui s’est attachée à lui pour ses services sexuels, pourtant plus
obtenus grâce au Bois Bandé que par un amour réciproque… Passées les
retrouvailles tendues, malgré l’enthousiasme de Bernard car Didier et Pascal
demeurent brouillés suite à une vieille histoire amoureuse, les 3 (demi-)frères
apprennent qu’ils vont devoir s’acquitter d’une vieille dette de leur mère.
Malgré la faible somme à rendre, chacun est pingre et préfère vider ses comptes
de peur de voir leur fric prélevé à la source, ce qui va inexorablement les
emmener dans de nouvelles galères… avec cette fois-ci la compagnie d’une fille
cachée, Sarah (Sofia Lesaffre)…
Et c’est parti pour de nouvelles aventures rocambolesques
avec un schéma qui rappelle un peu le 1er film. Mais comme convenu,
ce 2ème opus est moins bon que le premier. Il va donc déjà être
question d’évacuer les défauts manifestes. Déjà, l’histoire proposée est bien
moins intéressante qu’il y a 19 ans. Les rebondissements, plus ou moins surprenants, sont un peu sans
dessus dessous, l’histoire est de fait franchement décousue, se résumant
souvent à une accumulation de gags et de situations cocasses, alternées avec
des tentatives d’émotion qui tombent à l’eau, bien loin de celles du premier
opus. Inutile de dire que le scénario est au final léger (il y a eu mieux dans le genre de comédie « tout part en sucette »), avec quelques petits
trous mais rien de bien méchant. Le début du film est très poussif, comme tout
film du genre il faut attendre que ça parte vraiment en couille pour que ça
devienne drôle et intéressant, mais concernant Les 3 Frères, le Retour ça met
un peu de temps à arriver quand même… Reste alors un constat pouvant paraître
fracassant : il n’y a au bout aucune réplique ou situation qui deviendra
inoubliable ou culte, certes seul le temps permet d’octroyer le qualificatif « culte »
mais il n’y a rien ici qui soit énorme et absolument hilarant. Mais Les 3
Frères, le Retour n’a pas vocation à être culte dans l’absolu, c’est surtout
une suite ou plutôt un appendice, et même les références et clins d’œil aux
évènements du premier opus ne sont ni nombreuses, ni évidentes. On pense même
le premier opus totalement oublié jusqu’à l’apparition de Mickaël (Antoine Du
Merle) pour la dernière partie du film, qui tranche d’ailleurs avec la première
et les situations centrées autour de Sarah, et accentuent encore le côté
décousu et hétérogène du film. C’est tout ce qu’il y a vraiment à mettre au
discrédit de Les 3 Frères, le Retour (en plus d'une réalisation sans grand relief mais bon, on attendait pas du Edgar Wright non plus) car pour le reste, il y a le bonheur de
retrouver les Inconnus, leur humour et leurs personnages, ce qui est en réalité
le plus important.
Les rires sont donc présents en masse, suivant les
facéties des trois (demi-)frangins Latour toujours aussi proches de leurs sous.
L’humour des Inconnus est donc toujours présent et présent en force, il a
peut-être un tout petit petit peu vieilli par moments mais reste toujours d’actualité,
même si rien n’est ici particulièrement dénonciateur (on évoquait la crise, le
sujet est vraiment tertiaire finalement). Cela nous donne toujours des
dialogues et des situations mordantes, découlant toujours de la personnalité
grippe-sou au possible des frères, prêts à tout pour avoir des « pépettes »,
et toute l’histoire du film joue là-dessus. Avec le traitement fait par l’humour
Made in Inconnus qui est d’ailleurs sublimé grâce à un running gag hilarant sur
les slogans des banques, que je vais laisser découvrir à ceux qui n’ont pas (encore)
vu le film. L’humour est bien là, moins tranchant qu’au début des années 90 et
tentant maintenant de s’ancrer dans les années 2010 (en mode wesh cousin quand c'est nécessaire), ce qui est ardu mais ça
fonctionne toujours, surtout que le trio s’est détaché de son répertoire connu (Les
3 Frères comportait pas mal de gags, situations et personnages issus de leurs
propres sketchs), il y a donc du neuf et ça fait mouche. Notons enfin que les 3
personnages n’ont finalement pas changé d’un pouce, et le trio a su bien vite
se remettre dans l’esprit des frères Latour de 1995. Le meilleur à ce jeu étant
Bernard Campan : son personnage boulet au possible n’a pas changé d’un
iota ! Surtout que des 3 acteurs, c’est lui qui a le moins vieilli… Didier
Bourdon a pris un tas de kilos mais a su rester le nerveux et pingre Didier
Latour, seul le personnage de Pascal Légitimus a assez changé, Pascal Latour
étant bien éloigné du publicitaire bobo (bobo avant-gardiste d’ailleurs) du
milieu des années 90, ce qui amène un peu de changement. Ainsi le fait de
retrouver les 3 frères qui n’ont pas mûri et l’humour des Inconnus pur jus
(même s’il ne va jamais très loin), fait que le plaisir et les rires sont bien
présents dans Les 3 Frères, le Retour, excusant presque toutes les
approximations du film.
Du coup les 3 Latour volent le film et les autres
personnages, que ce soit le notaire Vaselin (Christian Hercq) (qui ne se prend
pas de claques à cause de son langage latin, signe que les Inconnus ne font pas
non plus dans les clichés et le recyclage), Sarah ou le retour de Mickaël, ne
tirent le film vers eux. Reste la belle-mère un peu déjantée de Didier mais c’est
tout, prouvant bien qu’au-delà des facéties et gags typés « Inconnus »
Les 3 Frères, le Retour a bien peu de coffre. Mais malgré leur promo un peu
démotivée, les Inconnus ont su se faire plaisir avec ce retour, sans prétention
finalement. Oui, il ne faut pas spécialement prêter des prétentions énormes à
ce film, c’est une suite à Les 3 Frères qui permet de replacer les Inconnus et
leur humour sur grand écran, il ne faut pas en attendre beaucoup plus, que ça
soit une histoire intéressante ou quelque chose qui pourrait être présenté
comme une des comédies françaises de la décennie (quoique quand on voit la
matière que l’on a depuis 4 ans…). Je rappelle à toutes fins utiles que nous
parlons de la suite d’un culte, et si les reboots/remakes sont bien mal
considérés -à juste titre ou non-, les séquelles ne sont pas en reste non plus,
mais il ne faut pas attendre qu’une pareille suite parvienne à décrocher la
lune. Les 3 Frères, le Retour est donc un retour qui tient franchement la
route, surtout quand on pouvait s’attendre à une déception notamment du fait
des critiques presse qui s’en sont données à cœur joie, on se demande bien
pourquoi avec tant de haine d’ailleurs. Le public ne s’y trompera pas et saura
savourer ce retour, qui je rappelle pourrait amener le trio à refaire un petit
quelque chose (sur scène à priori) si ça fonctionne, il serait donc de bon ton
de ne pas les dégoûter. Un retour certes pas parfait sur la forme
cinématographique, pour un film de toute façon moins-bien-que-le-premier mais
si on cherchait un minimum d’humour à la les Inconnus et les retrouvailles avec
des personnages cultes, Les 3 Frères, le Retour est un retour réussi.
Note : 7.5/10
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