vendredi 12 avril 2013

Oblivion


« Into the oblivion… In the world of light… I never saw the sun ». Dès que je pense à Oblivion, j’ai tout de suite en tête le refrain du morceau du même nom du groupe finlandais Black Sun Aeon. Rien à voir et il pourrait bien être remplacé par le superbe thème concocté par M83 pour ce film. Oblivion, c’est quoi alors ? Le nouveau film qui va financer l’Eglise de Scientologie ? Peut-être mais à la base, c’est un roman graphique. Une adaptation de comics, le pur repoussoir à puristes. Pourtant, ils devraient tout de suite prendre en compte le fait qu’un de ses co-auteurs, Joseph Kosinski, est réalisateur/producteur/metteur en scène du film adapté de sa propre œuvre, donc en principe il ne devrait pas y avoir de trahison à l’horizon (enfin, je n’ai pas lu ce comics pour vérifier et je n’ai aucune intention de le faire). On aura déjà reconnu en Joseph Kosinski le réalisateur de Tr0n Legacy, ce film à l’univers unique et prenant à demi saboté par Disney et ses bons sentiments. Pas de Disney à l’horizon pour Oblivion, second film de Kosinski qui va présenter un ton à priori légèrement différent. Tron Legacy avait déjà pour lui un visuel de haute volée, et dès les premières images on voit bien que Oblivion va prendre le même chemin, et Kosinski semble avoir la main pour nous livrer des images léchées dans le domaine de la science-fiction. C’est déjà un argument plus que notable pour se déplacer en salles, reste à voir le contenu du contenant et à ce titre, Tron Legacy pêchait fortement, et Oblivion n’annonce pas mieux au vu de la bande-annonce qui ne promet pas grand-chose au niveau du scénario. De toute manière, le film est surtout présenté au grand public comme « le retour de Tom Cruise dans un film de science-fiction », et l’attente n’est finalement pas plus grande que ça. Et pourtant…

En 2077, notre bonne vieille planète Terre est en ruines. Le résultat d’une guerre qui a duré une soixantaine d’années : après avoir fait explosé la Lune, des extraterrestres surnommés les chacals (on dit des chacaux non ?) ont provoqué un chaos naturel sur Terre, avant de l’attaquer et de provoquer un conflit nucléaire. L’humanité a finalement gagné la bataille, mais la Terre est devenue inhabitable, rongée par les radiations et les paysages de dévastation. Les humains ont trouvé refuge sur le « Tet’ », une gigantesque base tétraédrique en orbite, qui sert de transition à la nouvelle planète d’accueil des humains, à savoir Titan le bien connu satellite de Saturne. Une équipe comprenant un technicien, Jack (Tom Cruise), et une chargée de télécommunications, Victoria (Andrea Riseborough), est néanmoins postée sur Terre au sein d’une base perchée dans les nuages, afin d’assurer la maintenance d’usines automatisées pompant l’eau des mers et surtout des nombreux drones de surveillance qui parcourent la planète. Le taf du « Tech-49 » Jack Harper consiste donc à aller réparer les drones endommagés par les quelques chacals restant encore sur Terre. A deux semaines de la quille, le duo de surveillants va néanmoins être confronté à une série d’évènements inattendus, dont le crash d’un vaisseau sur la planète après l’interruption d’un mystérieux signal émis depuis les restes de l’Empire State Building. Jack va retrouver dans les décombres du vaisseau une survivante, Julia (Olga Kurylenko), que les drones ont pourtant cherché à éliminer. Et cet évènement puis la capture de Jack par une peuplade d’humains rebelles restés sur Terre et menés par le mystique Malcolm Beech (Morgan Freeman) va révéler une cascade de secrets sur ce qui se passe, et sur ce qui s’est passé, sur Terre…

« Drones de merde ! »

On pouvait donc s’attendre à un film visuellement époustouflant mais au scénario bien creux ou trop nébuleux. Eh bien… c’est quasiment l’inverse qui se produit. Bon, le visuel n’est pas dégueulasse, loin s’en faut. Il est même tout à fait excellent. Les vastes étendues dévastées, parfois enneigées ou montrant des ruines de monuments bien connus, sont somptueuses. L’aspect high-tech est parfaitement mis en place avec des décors léchés et des vaisseaux jolis, les fameux drones tout ronds ont même une bien bonne bouille. Mais le film n’est pas du tout contemplatif, ce qui est bon et mauvais : bon parce qu’on ne sombre pas dans l’excès inutile et mauvais parce qu’il y avait peut-être de la place pour varier un peu les paysages, évoquant surtout l’Islande ou l’Est de la Sibérie. De toute manière, le problème est ailleurs. Si Kosinski a de la ressource du côté visuel, on voit bien où sont ses influences et au final, les images d’Oblivion n’ont pas grande originalité si ce n’est les vaisseaux/drones qui lui confèrent sa personnalité. Prometheus, Moon, Predator (pour les chacaux) et bien sûr Tron Legacy viennent immédiatement à l’esprit (surtout le dernier pour quelques scènes d’« intérieur »), en plus d’un tas d’autres films post-2001 Odyssée de l’Espace. Le visuel est donc beau et accrocheur, mais ce n’est pas la claque annoncée, la faute à un criant manque d’originalité et une resucée des codes SF en vigueur depuis de nombreuses années.

Inutile donc de dire qu’une fois qu’on est « rentré » dans l’univers visuel d’Oblivion, plus rien ne surprend et il faut s’accrocher. Surtout que c’est maintenant le scénario, dont on pouvait attendre un grand vide, qui va prendre le relais… Et de ce côté Oblivion nous fait bien mariner. Au début, on suit juste les pérégrinations de Jack et Victoria dans leurs missions quotidiennes. Puis il arrive un truc pas normal. Puis un autre. Et ainsi de suite jusqu’à la découverte de Julia, qui dit-quelque-chose-tiens-donc à Jack mais ce dernier a dû se faire effacer la mémoire pour s’engager dans sa mission de technicien. Puis Jack se fait capturer par les hommes de Malcolm. Puis là, on commence à avoir quelques révélations, mais c’est diablement confus, et on ne voit pas vraiment où le film veut en venir, ni où il veut nous mener. Puis une autre révélation, très fracassante, survient (même si on a déjà vu révélation similaire dans un autre film de SF trop méconnu…). A partir de là, tout se délie et on finit par comprendre la gigantesque embrouille, mais ceci aux ¾ du film environ… Donc le moins que l’on puisse dire, c’est que Oblivion sait ménager son suspense et nous fait tourner en bourrique, et on remarque finalement que le film a distillé quelques éléments « pas très nets » depuis le début… Le twist final, évaporant toute confusion et ne laissant pas de choses inexpliquées, est finalement parfaitement amené et réussi, débouchant sur une conclusion spectaculaire (pour un film qui met de l’action juste là où il y en a besoin). C’est là que se situe la vraie force de Oblivion, à réussir à distiller progressivement un scénario malin qui efface rapidement toutes les approximations ou légères longueurs que l’on pouvait déplorer au début. Au final, on se laisse emporter par cette histoire tordue mais convaincante, qui créé un bon équilibre global dans le film, au lieu de nous proposer un visuel sublime et une histoire façonnée à la truelle comme on pouvait s’y attendre, et c’est là que se situe la surprise.

Pour une fois, je vais zapper mon paragraphe sur les acteurs, car il n’y a rien à dire. Kosinski a encore du progrès à faire niveau direction d’acteurs, surtout que sur Tron Legacy c’était déjà pas très folichon…  Tom Cruise fait du Tom Cruise, il a fait mieux et pire à ce niveau. Andrea Riseborough, inconnue au bataillon, est mignonne à faire la paniquée mais c’est tout. Olga Kurylenko, c’est l’équivalent de Olivia Wilde dans Tron Legacy : elle ne fait pas grand-chose de significatif mais est agréable à regarder. Tout le reste, Morgan Freeman y compris, c’est du très secondaire voire du tertiaire. Le personnage le plus en vue, c’est presque le drone 166 en fait… Enfin bref, niveau acting c’est du vide mais bon, ce n’est pas très important au final. Ce qui comptait, c’était le visuel, qui est très bien mais peu original. Et donc c’est finalement le scénario, passionnant et qui fait bien mariner et torturer son monde pour exploser sur la fin, qui tire son épingle du jeu, nous amenant à un équilibre parfait. Joseph Kosinski est très influencé aux niveaux visuel et scénaristique, mais Oblivion tient franchement la route (surtout pour un deuxième film), quand bien même les amateurs de SF seront en terrain connu en tous points. Tant de reproches à faire, un film qui pour l’instant ne fait pas trop réagir (pour se faire défoncer à terme par ceux qui ont tout vu et qui vont prétendre avoir tout compris en 5 minutes ?), mais malgré tout un film globalement réussi et bien bon. Meilleur que Tron Legacy déjà (même si c’est pas trop, voire pas du tout comparable), au minimum sympathique et agréable à regarder et à suivre, dont je vais être généreux sur la note parce qu’il m’a bien bluffé sur la fin. Et dans l’ensemble, il ne révolutionne rien (c’est le moins qu’on puisse dire) et n’est pas le film de science-fiction du siècle (ni même de l’année, sans trop me mouiller je pense que Elysium va rafler la mise), mais vaut quand même le coup d’être vu et surtout, permet de passer un très bon moment (ce qui est aussi un des objectifs du cinéma grand public non ?).

Note : 8/10

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