lundi 4 février 2013

Wrong

Quentin Dupieux, ça vous parle ? Si ce n’est pas le cas, hé bien « fuyez, pauvres fous » comme disait Gandalf le Gris. Car de par son goût immodéré pour l’absurde le plus allumé, l’art de Mr. Oizo n’est pas à mettre en face de tous les yeux. Steak avait déjà déconcerté les masses, il faut dire que sa présentation comme « film d’Eric et Ramzy » n’avait pas aidé, car avant d’être un film avec Eric et Ramzy, Steak est un film de Quentin Dupieux. Dupieux qui avait pu étaler son talent au sein du remarqué Rubber, vous savez l’histoire folle de ce pneu qui prend vie et qui se met à tuer des gens en leur faisant exploser la tête. Il y a déjà du level et avec Wrong, Dupieux semble bien déterminé à enfoncer le clou. Nous voici donc en présence de la quatrième réalisation du français, sans compter les courts métrages et en comptant Nonfilm, que je n’ai jamais vu mais ça ne saurait tarder.

Comme d’habitude, Dupieux part d’un pitch assez simple pour étaler sa science de l’absurde comique mais glacial, à l’intégration incongrue mais tout à fait… cohérente. Avec Wrong, nous suivons les aventures de Dolph (Jack Plotnick), américain moyen de banlieue pavillonnaire, qui un beau matin a perdu son chien Paul, mystérieusement disparu. L’absurde se met très vite en place autour des recherches de Dolph pour retrouver son animal de compagnie qu’il aime tant. Dolph questionne donc son voisin, un peu chelou qui nie faire du jogging tous les matins, et décide en ce jour de partir loin de chez lui pour changer de vie. L’aliènement du spectateur commence déjà, et Dupieux ne va pas le ménager de sitôt. Après le jeu bizarre au ballon cubique et la scène hallucinatoire de kidnapping de Steak, puis le trip « nous sommes dans un film » de Rubber, Dupieux se lâche avec une suite de séquences toutes plus absurdes les unes que les autres, faisant de Wrong son film le plus WTF. En vrac, un palmier se transforme en sapin, Dolph travaille (enfin pas vraiment) dans un bureau où il pleut à l’intérieur, un mystérieux peintre free-lance de carrosserie de voiture se balade en ville… et on en découvre de plus en plus au fur et à mesure que l’« intrigue » avance.

« Vous n'auriez pas un étron ? »

D’ailleurs, le regret que l’on peut émettre à propos de Wrong est que l’intrigue se délite assez vite, à partir d’un gros tiers du film et dès la rencontre de Dolph avec le mystérieux Maître Chang (William Fichtner), on comprend tout de suite ce qu’il est advenu de Paul et pourquoi (d’autant que la fin du film est d’ores et déjà racontée à un moment). Dupieux n’a donc pas pris de risques par rapport à l’intrigue principale, et s’est contenté de broder autour avec son absurdisme à faire perdre la tête. Mais de ce côté-là, il y a encore de quoi faire. On découvrira alors un détective canin aux méthodes d’investigation plutôt inédites, un Maître Chang qui va faire de bien étranges propositions à Dolph, tout en lui livrant la méthode pour communiquer avec son chien par télépathie. Bref… l’absurde règne en maître, mais paraît tout à fait naturel pour les personnages qui évoluent dans cet univers onirique. Onirique, c’est bien le mot, car on a vraiment l’impression d’être dans un rêve, suivant une intrigue sans queue ni tête. Une illogique volontaire se met même en place alors qu’on suit, parallèlement à l’histoire de Dolph, les pérégrinations de son jardinier Victor (Eric Judor), qui va s’embourber dans une aventure avec une standardiste nymphomane, avant de mourir. Puis de ressusciter. Puis en fait non. Bref… Dupieux s’amuse avec nos nerfs et nous livre un film déroutant, mais encore une fois jubilatoire.

Et Dupieux n’est pas en reste niveau réalisation, toujours avec un jeu de lumière et de flou saisissants, simple mais beau. Moins simple que Steak tout de même, qui lui souffrait un peu du syndrome « caméra posée dans un coin ». Les acteurs sont parfaits, mention spéciale à Jack Plotnick jouant un personnage constamment au bord de la rupture. Les autres personnages tirent également leur épingle du jeu, Eric Judor joue de nouveau le rôle du gars un peu bebête et boulet, mais le fait admirablement bien (il paraît qu’en VO, il a un accent anglais volontairement ridicule tout à fait savoureux). Et le chien Paul est mignon tout plein. On saluera la faculté de ces acteurs à s’adapter à un univers déluré où l’absurde ne choque pas le moins du monde les personnages évoluant dedans. La musique, sonnant parfois très inquiétante et mystique, est également parfaitement adaptée au bousin.

Après un Steak peut-être un peu trop creux et un Rubber légèrement poussif par moments, Quentin Dupieux signe avec Wrong sa meilleure réalisation. Sa plus WTF en tout cas. Les séquences absurdes s’empilent, et c’est finalement ça qui est bon, le fait de voir du n’importe nawak à la plupart des étages, qui font de Wrong un film où l’on ne s’ennuie pas et où l’on découvre de nouvelles idées de dingue toutes les 10 minutes. Dommage que l’intrigue principale ne soit finalement qu’un prétexte et ne soit pas plus creusée que ça, alors qu’il y aurait peut-être eu moyen de faire une chute de folie (à la Kaboom ?). Dupieux prend des risques du côté de l’humour absurde, pas pour le reste où il risque à terme de se reposer sur ses lauriers. Mais au final, on prend bien du plaisir à déguster ce film plus sympathique que sombre, et qui nous emmène dans un monde bien allumé aux frontières du rêve. Un film même poétique, avec un vrai message de fond (aimez vos animaux de compagnie), mais qui c’est sûr ne plaira pas à tout le monde. De toute manière, dès la séquence d’intro avec les pompiers qui font leur pause, pour celui qui n’arrive pas à se faire à la Dupieux touch c’est perdu d’avance…

Note : 8/10

1 commentaire:

  1. j'avais bien aimé Rubber complètement barré, donc si ce dernier est encore mieux je prends :)

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