vendredi 5 juillet 2013

War-Kritik : Millénnium - Les hommes qui n'aimaient pas les femmes

Cela n’a pas échappé aux cinéphiles s’intéressant aux thrillers et films « à enquête » en général, le célèbre livre du romancier suédois Stieg Larsson Millénnium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes a bénéficié de deux adaptations cinématographiques, très rapprochées d’ailleurs : une version suédoise datant de 2009 réalisée par Niels Arden Oplev (sous le nom Män Som Hatar Kvinnor), qui existe d’ailleurs en version longue (en réalité les deux premiers épisodes de la série TV) ; et une version américaine réalisée en 2011 par David Fincher (sous le nom The Girl With the Dragon Tattoo). Gna gna gna adaptation de bouquin et réadaptation amérloque cépasbien, bref si vous êtes du genre à dire ça passez votre chemin. Les autres se sont déjà penchés sur au moins un des deux films, pour un film d’enquête ma foi très passionnant. J’ai longtemps fui Millénnium malgré les critiques dithyrambiques à son encontre, l’histoire ayant une réputation d’étouffe-chrétien et le style ne m’intéresse pas à la base. Inutile de dire que je n’ai jamais lu le bouquin et que je n’ai pas spécialement l’intention de le faire, on va donc ici s’intéresser uniquement à ce que le portage sur les écrans a à nous proposer. Comme je le disais, j’ai fui la version suédoise malgré ses nombreux passages TV, mais j’étais finalement allé voir la version US au ciné par curiosité, en me disant que l’histoire devrait être plus accessible car forcément digérée pour le public américain, ce qui n’est pas forcément le cas d’ailleurs. J’ai finalement été conquis et j’ai ensuite rattrapé mon retard en visionnant la version suédoise qui n’est pas dénuée d’intérêt. Voici donc un article un peu particulier qui va évaluer parallèlement les deux versions pour voir, peut-être, quelle est la meilleure adaptation de Millénnium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes

** ALERTE SPOILER : ce qui suit dévoile des éléments-clé de l’intrigue. Article à réserver à ceux qui ont vu au moins une des deux versions du film… **

L’histoire : Hormis quelques points qui diffèrent selon les versions, la base est la même et la voici : Mikael Blomqvist (Michael Nyqvist/Daniel Craig), journaliste économique de la revue suédoise Millennium, est condamné pour avoir diffamé un puissant industriel, Hans-Erik Wennerström. Contraint de se tenir à carreau, il est contacté par Henrik Vanger (Sven-Bertil Taube/Christopher Plummer), vieux dirigeant de l’influent groupe Vanger. Ce dernier voudrait que Blomqvist mène une enquête sur la disparition de sa nièce Harriet dans les années 60, disparition jamais élucidée, alors que Henrik reçoit tous les ans pour son anniversaire une fleur séchée, cadeau traditionnel de Harriet dans son enfance… Blomqvist va donc devoir mener l’enquête au sein d’une famille bien tordue où chacun à ses secrets. Pour son enquête, le journaliste va bénéficier de l’aide de Lisbeth Salander (Noomi Rapace/Rooney Mara), une jeune goth-punk asociale mais hackeuse de génie, qui avait enquêté sur Blomqvist même pour le compte de l’associé de Henrik. Le duo va vite se retrouver au beau milieu d’une série de meurtres de femmes non élucidés, dont Harriet avait pris connaissance…

Les différences : Si les deux versions racontent bien évidemment la même histoire, avec des scènes quasi-identiques parfois, tout n’est pas pareil à 100% (forcément). On passera sur les quelques détails futiles variant d’une version à l’autre, mais certains détails concernent le scénario même et changent plus ou moins radicalement la façon dont l’histoire se déroule. Passage en revue, en essayant d’être exhaustif :
- Dans la version US, Blomqvist n’écope pas de 3 mois de prison. Dans la version suédoise on sait qu’il ne compte pas faire appel, ce qui n’est pas mentionné clairement dans la version US.
- Blomqvist a une fille dans la version US (en tout cas, c’est la seule version où le personnage est présent), et elle va avoir son importance…
- En effet, c’est elle qui renseigne Blomqvist sur les numéros du journal de Harriet qui correspondent aux versets de la bible. Dans la version suédoise, c’est Lisbeth qui découvre la signification des numéros et le communique à Blomqvist par mail, ce qui va aboutir à leur prise de contact. Par ailleurs dans la version suédoise Harriett avait entouré un des noms en rouge, ce qui n'est pas le cas dans la version US...
- Du coup, la rencontre entre Blomqvist et Lisbeth est légèrement différente selon les versions. Dans la version suédoise, Lisbeth continue à espionner Blomqvist, ce qui ne semble pas être le cas dans la version US. En revanche, leur prise de contact est quasi-identique (Frode l’assistant de Henrik Vanger recommande dans les deux cas Lisbeth à Blomqvist, ce dernier partant à sa rencontre à son appart. Toutefois dans la version US Blomqvist va se renseigner sur Libseth dans l’entreprise où elle est embauchée).
- Cependant, l’enquête n’avance pas de la même manière : dans la version US, Blomqvist découvre l’existence des meurtres avant sa rencontre avec Lisbeth, et se sert de ces meurtres pour convaincre la hackeuse de l’aider ; dans la version suédoise les deux enquêtent et traversent le pays pour en découvrir les circonstances ; dans la version US c’est Lisbeth seule qui s’en charge, avant son déménagement sur l’île, et ce passage est traité très succinctement.
- Dans la version suédoise, Blomqvist a connu Harriet et Anita dans sa jeunesse, ce qui n’est pas le cas dans la version US ; il n’est donc pas spécialement proche des Vanger dans cette dernière version. Dans la version suédoise, Blomqvist confond du coup Anita et Harriet dans ses souvenirs, à cause du collier d’ambre.
- Autre différence de taille : dans la version US, les Vanger ne sont pas au courant que Blomqvist est là pour enquêter sur Harriet ; dans la version suédoise ils le sont et on trouve même une scène de réunion des Vanger où ils lui demandent d’arrêter ses recherches, dans la version US cette scène est remplacée par une simple exaspération d’Isabella dans le hall de l’hôpital où est soigné Henrik.
- Encore une autre de taille : dans la version suédoise Anita est donné morte d’un cancer, ce n’est que tout à la fin du film qu’on apprend qu’elle est vivante, qu’elle vit en Australie et qu’il s’agit en fait d’Harriet. Dans la version US, c’est totalement différent : Blomqvist retrouve Anita bien plus tôt à Londres (alors que dans la version suédoise c’est Lisbeth qui la retrouve) et ce n’est qu’à la fin du film qu’il déduit que c’est Harriet.
- Dans la version suédoise, Harald est d’abord soupçonné des meurtres, avant que les recherches de Lisbeth ne l’innocentent et accusent Gottfried, puis Martin, à la place. Dans la version US Gottfried est directement identifié comme responsable des meurtres (sauf le dernier). Dans cette même version Harald, qui n’est jamais soupçonné de quoi que ce soit, fournit des photos à Blomqvist, qui vont lui permettre d’identifier Martin, alors que dans la version suédoise le journaliste s’introduit chez Harald.
- Du coup la rencontre finale entre Blomqvist et Martin change : dans la version suédoise Martin ramène Blomqvist chez lui après l’avoir trouvé chez Harald ; dans la version US Blomqvist a directement tenté de s’introduire chez Martin. Notons également que dans la version US, Martin est identifié à la fois par Blomqvist et Lisbeth grâce à son uniforme d’étudiant ; dans la version suédoise seule Lisbeth identifie Martin (grâce à son pull bleu) et Blomqvist ne sait donc pas que Martin est coupable au moment d’entrer chez lui. Enfin, dans la version US Blomqvist donne l’« autorisation » à Lisbeth de tuer Martin ; dans la version suédoise il lui demande si elle n’a rien pu faire pour le sauver…
- Par rapport à Wennerström : dans la version suédoise on apprend à la fin du film qu’il s’est suicidé, alors que la version US parle d’un meurtre mafieux. Dans cette dernière, Henrik promet en engageant Blomqvist qu’il lui donnera des documents contre Wennerström, ce qui n’est pas le cas dans la version suédoise. Dans les deux cas, c’est Lisbeth qui donne à Blomqvist des preuves pour accuser à nouveau Wennerström, dans la version US on apprend qu’elle avait déjà fait des recherches avant d’aider Blomqvist.
- A la fin du film, dans la version US, on voit comment Lisbeth a soutiré de l’argent à Wennerström. Dans la version suédoise ce passage est seulement évoqué, mais Blomqvist reconnaît Lisbeth à la fin (sur les images des caméras), alors que dans la version US il n’a pas connaissance des magouilles de Lisbeth (elle lui fait croire qu’elle a fait un « placement »).
- Enfin, dans la version US Lisbeth dit à Blomqvist qu’elle a essayé de tuer son père, alors que dans la version suédoise elle ne révèle rien de son passé au journaliste (qui est donné au spectateur par des flash-backs). Dans la version suédoise, Lisbeth va retrouver sa mère, ce qui n’est pas le cas dans la version US (elle retrouve son premier tuteur, devenu un légume, à la place).

Les personnages et acteurs : A casting différents, acteurs différents et donc approche différente des personnages. Intéressons-nous déjà aux deux personnages principaux que sont Lisbeth et Blomqvist : j’avoue ne pas trop être fan de Noomi Rapace dans la version suédoise, elle surjoue trop son personnage de goth-punk hyper renfermée qui ne sourit jamais, son jeu est bien trop linéaire pour être crédible. Rooney Mara est plus « naturelle » et joue bien mieux le côté froid du personnage de Lisbeth, et est du coup plus convaincante quand il s’agit d’être au bord de péter les plombs (à ce titre, dans la version US la scène de « vengeance » contre son tuteur est carrément anthologique). En ce qui concerne Blomqvist, c’est kif-kif dans l’ensemble, pourtant Michael Nyqvist et Daniel Craig sont bien différents (par exemple, le second porte des lunettes et fume, ce qui n’est pas le cas du premier) même s’ils se ressemblent finalement. On peut trouver que Craig à tendance à vouloir trop se rapprocher du jeu de Nyqvist, notamment lors des passages où il joue un personnage un peu lourdaud et fragile, ce qui met l’acteur bien loin de ses rôles de James Bond ou dans Cowboys & Envahisseurs. Pour les autres, ça dépend des versions. Certains personnages n’ont pas du tout la même importance, on voit relativement peu Henrik Vanger et l’inspecteur Morell dans la version US (dans la version suédoise ce dernier est presque à la retraite, alors que dans la version US il semble déjà l’être…), ce qui est dommage pour Christopher Plummer (Henrik dans la version US) qui est un peu effacé. Cecilia Vanger n’a pas du tout le même caractère dans les deux versions. En revanche les deux acteurs campant à tour de rôle Frode se ressemblent énormément ! Deux personnages tranchent totalement selon les versions : Martin Vanger et le tuteur de Lisbeth. En ce qui concerne le premier, Stellan Skarsgård (version US) est cent fois mieux que le fade Peter Haber de la version suédoise. Pour le second, celui de la version suédoise est diaboliquement sournois et pervers, tandis que celui de la version US est juste un porc et un gros con, sans plus. Pour tout le reste, les personnages se valent, comme Erika par exemple (Lena Endre/Robin Wright). Un détail idiot pour finir : dans la version suédoise Wennerström est chauve alors que dans la version US il a une sacrée touffe…

Le reste : Au niveau de l’ambiance globale, les deux versions diffèrent sensiblement. La version suédoise est dans l’ensemble plutôt sobre malgré une belle photographie, la version US est un peu plus personnelle, plus « froide » (les suédois trouveront peut-être qu’on se moque sans vergogne de leur pays, il est d’ailleurs très amusant de voir Daniel Craig se les cailler menu), bref plus dans l’esprit de Fincher. En ce qui concerne la dynamique de l’ensemble, les deux versions se valent, de même que les décors (forcément…). La version US semble plus moderne mais la suédoise l’était déjà à vrai dire. D’ailleurs, si les deux films sont bien g33k avec leurs macbooks de partout, c’est finalement la version suédoise qui est la plus « branchée » et c’est plutôt étonnant. Reste quelques petites différences, notamment dans le traitement des flashbacks et des retours sur les années 60. La version US choisit de retranscrire de nombreuses scènes du passé, alors que la version suédoise se cantonne à l’essentiel. Du coup la version suédoise joue plus sur la « nostalgie » et met bien en évidence les documents qu’épluche Blomqvist avec son fameux « mur », qui est bien plus important dans la version suédoise et la réalisation joue un max avec ça. L’autre différence notable vient des scènes « hardcore » avec Lisbeth et son tuteur détraqué du gland. Ces scènes sont beaucoup plus explicites et rentre-dedans (dans tous les sens du terme) dans la version US, même si la version longue du portage suédois en rajoute un peu notamment au niveau des dialogues crus. Bref pour les âmes sensibles il est plus conseillé de se pencher sur la version courte concoctée par les suédois…

Verdict ? : Eh bien il va être dur de donner un gagnant ! Avant toute chose je tiens à dire que les deux versions sont de qualité. L’histoire est peut-être plus fluide dans la version US et parfois un peu confuse dans la version suédoise, et il est difficile de comparer de manière trop brute car les deux versions ont leur scénario propre qui utilise des circonvolutions différentes. Et forcément, quand on voit une version avant l’autre (dans mon cas, la version US en premier), ça altère le jugement. Chaque version a ses qualités et ses défauts par rapport à l’autre et au final ça s’équilibre. Donc je ne peux pas faire autrement que de décréter match nul. David Fincher adapte ce premier volet de Millennium avec brio, mais a peut-être changé trop de choses et « américanise » un peu le propos. La version suédoise est très bien à la base, mais ne va pas chercher très loin au final. L’important reste donc l’histoire de base, qui est passionnante et qui a, au final, accouché de deux très bons films d’« enquête ». Je pense que c’est ce qu’il faut retenir, mais à aucun moment le portage américain n’est scandaleux (à moins d’être trop attaché au bouquin mais encore une fois je ne peux absolument pas juger ce point) et n’est d’office inférieur à la version suédoise par pur acquis de purisme. On verra ce que donneront les portages américains des 2 bouquins suivants (si tant est qu’ils sont bien prévus…), et de mon côté il faut déjà que je me fasse les versions suédoises pour tâter le terrain. En attendant Millénnium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes a bénéficié de deux adaptations tout à fait réussies et prenantes. Skål !
Verdict : Match nul


Pour conclure, la version US bénéficie tout de même de la musique de Trent Reznor et Atticus Ross, même si les deux compères ont fait mieux dans The Social Network. Mais le thème d’entrée est génial et les images qui l’accompagnent également :

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