mardi 13 août 2013

District 9

Oh ce film, comment je regrette de ne pas être allé le voir sur grand écran, il mérite bien mieux qu’un visionnage au détour d’une des chaînes ciné de Canal Sat ou de la TNT. Par manque de temps et par « doute », je lui avais préféré en salles Ultimate Game à l’époque, film infiniment moins bien que la tuerie de Neill Blomkamp. Des doutes, parlons-en car District 9 avait été vanté pour son message « humaniste », et son côté « faux documentaire », deux choses qui ne m’avaient pas franchement motivé à vrai dire. Et grossière erreur, car ce n’est pas vraiment ça. District 9 se pose juste comme un des films de science-fiction les plus osés et les plus originaux des années 2000. Il y a du talent en barre là-dedans et cet inattendu film sud-africain/néo-zélandais, on peut maintenant le dire avec recul, a fait date. Développons.

L’histoire tout d’abord : un vaisseau alien a débarqué sur Terre en 1982, à Johannesburg plus précisément (en Afrique du Sud, bande de géographes du dimanche). Par la force des choses, ils sont devenus des réfugiés et ont été parqués dans un bidonville géant, le district 9. Exaspérée par ces « crevettes » et toutes les contraintes qui découlent de la cohabitation, la population de Johannesburg a fini par manifester son mécontentement. Les aliens vont donc devoir être déplacés vers un district 10 tout neuf. Une puissante multinationale va se charger de la manœuvre, le MNU. Pour ce faire, elle nomme un parfait boulet à la tête de l’opération, Wikus Van de Merwe (Sharlto Copley), accessoirement beau-fils du boss du MNU. Accompagné par sa fine équipe, Wikus s’occupe de faire signer des arrêtés d’expulsion aux aliens qui ne comprennent rien à rien et signent en échange de… conserves de pâtée pour chat. Mais sous couvert de tout ça, le MNU a d’autres intentions, à savoir récupérer un armement alien somme tout intéressant… s’il pouvait être utilisé par les humains. En délogeant les aliens, Wikus va se retrouver bien malgré lui contaminé par une substance étrange. Substance qui va, petit à petit, le transformer en « crevette »… Retenu par le MNU qui veut alors en faire un cobaye et donner son corps à la « science » pour utiliser les fameuses armes alien, Wikus va devoir s’échapper, avec le puissant Colonel Koobus (David James) à ses trousses. Il va alors trouver refuge auprès des aliens dans le district 9 qui, eux, ont un plan pour faire décoller leur vaisseau stationné dans le ciel de Johannesburg depuis des lustres, et fuir…

Au niveau du fond, rien n’est donc bien compliqué. Mais la forme, elle, va casser des codes. Comme prévu, le film est structuré à la manière d’un reportage documentaire, avec des intervenants et des extraits de JT en direct. On suit donc les pérégrinations de Wikus au travers d’un cameraman suivant son équipe, dans un apparat « found footage » qui ne tombe pourtant pas dans l’extrême du genre. Du moins c’est la forme employée dans la première moitié du film, avant que cet aspect ne s’estompe pour suivre les aventures du Wikus mi-humain mi-crevette. La réa est donc dynamique, coup-de-poing et survitaminée. Et le ton va suivre, avec un début de film carrément décalé avec des scènes parfois carrément comiques, voire incongrues. Blomkamp nous livre donc une œuvre totalement libre des codes, jouant sur un mélange filmique et documentaire avec une approche très réaliste. Les effets spéciaux sont d’ailleurs tout à fait exceptionnels, les aliens voulus crasseux et dégueulasses en deviennent limite beaux tellement ils sont bien faits et bien animés. Le seul point noir et que Blomkamp ne lésine pas sur les morts gore, avec l’armement alien qui éparpille façon puzzle. L’avantage, c’est que le tout en devient totalement jouissif, avec une dernière partie de film plus « guerrière » qui envoie du bois. L’histoire est excellente, la réalisation juste impeccable, le film est diaboliquement rythmé et avare en temps morts, ce depuis les premières minutes.

Un autre atout de taille fait que District 9 est une réussite : la performance de Sharlto Copley. C’est la véritable star du film et à vrai dire, il n’y a personne d’autre à retenir, si ce n’est David James en Colonel sans foi ni loi, et Jason Cope qui joue… l’alien dénommé « Christopher Johnson » en motion capture. Wikus est un boulet, appliqué et motivé mais frêle, bavard, procédurier et trop curieux. Copley joue donc à la perfection ce personnage allumé prêt à tout pour sauver sa peau, quitte à devenir complètement hystérique. Les passages où il fait l’intéressant devant la caméra en début de film sont hilarants, et le reste de sa performance prend aux tripes, dans ce personnage révolté tiraillé entre deux races, en lequel tout le monde peut s’identifier. Profitons-en pour évacuer le côté « humain » du film avec ses références cachées à l’apartheid ou au racisme latent. Certes, les aliens sont persécutés, moqués, utilisés pour des expérimentations militaires obscures scandaleuses, mais tout cet aspect « militant » était implicite et ce dès la lecture du pitch. Donc Blomkamp ne brode pas tant que ça dessus et on reste à l’essentiel, pour laisser place à l’histoire principale qui est le sort de Wikus au milieu de tout ça, passant d’un héros de reportage télé à un pestiféré accusé de trahison.

Ce film de science-fiction transgenre (on passe de la satire sociale au body horror en passant par des scènes de guerilla urbaines) est avant tout le premier long-métrage de Neill Blomkamp, mais est surtout une réussite totale qui a fait date. Avec peu de moyens et un aspect volontairement foutraque et explosif, District 9 est un des films de SF les plus marquants de ces 10 dernières années. Le côté social de l’ensemble peut être mis de côté pour apprécier le travail sur le reste, réalisation et acteurs, et tout le monde livre ici une performance inoubliable, pour un film original et grinçant. Blomkamp a des idées et du talent à revendre dans un style très personnel et explosif ici, si Hollywood ne le broie pas avec les millions de dollars Elysium sera la prochaine réussite à accrocher à son palmarès en attendant un éventuel District 10. En attendant, cet OFNI est une bonne tuerie à voir ou à revoir, c’est que les crevettes sont attachantes…
Note : 9/10

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire