Je pense qu’il n’est plus utile de présenter Tron :
L’héritage. Suite du culte Tron sorti en 1982, film qui peut paraître kitsch
aujourd’hui mais dont la technique, à l’époque, était impressionnante (en 1982,
la souris d’ordinateur n’existait même pas encore…). Tron où l’histoire
fantastique d’un informaticien projeté dans un ordinateur. Près de 30 ans
après, ce film se sera rappelé au bon souvenir des cinéphiles au moment où fût
annoncée sa suite, plutôt attendue et validée (il n’y a que 3 ans, les suites et
remakes ne sortaient pas encore à tort et à travers et on y prêtait plus de
considération). Suite remarquée particulièrement en France vu que DAFT PUNK en
a signé la BO, bien avant ses récompenses avec l’horriblement addictif "Get
Lucky". Premier film de Joseph Kosinski qui a continué son petit bonhomme
de chemin l’an dernier avec le bien bon Oblivion.
Film qui, chose la plus remarquable, se distingue grâce à son univers visuel
particulièrement singulier, tranchant très nettement avec le Tron d’origine,
pour une remise au goût du jour doublée d’une identité bien personnelle et
travaillée, évacuant les accusations de trahison de l’esprit originel grâce à
un visuel on ne peut plus réussi (même s’il est très… « trichromatique »).
Et Jeff Bridges rempile dans le rôle de Kevin Flynn, doublé d’un clone plus
jeune en images de synthèse. Tout était réuni pour faire de Tron : L’héritage
une grande réussite. Mais… mais…
En 1989, Kevin Flynn (Jeff Bridges) s’échine à développer
la Grille, l’univers parallèle informatique qu’il a intégré par mégarde sept
ans auparavant. Il promet à son fils Sam qu’il pourra la visiter un jour. Mais
peu après cette promesse, Flynn disparaît sans laisser de traces, laissant son
fils orphelin et la société Encom aux mains de dirigeants peu scrupuleux. En
2010, Sam (Garrett Hedlund) a bien grandi et chaque année, fait une blague aux
dirigeants d’Encom, entreprise dont il reste l’héritier légitime. Après avoir ainsi
perturbé le lancement d’une nouvelle version de l’OS d’Encom, Sam est contacté
par Alan Bradley (Bruce Boxleitner), l’ancien comparse de Kevin. Bradley aurait
en effet reçu un message de ce dernier sur un vieux bipper. Incrédule, Sam
décide toutefois d’aller vérifier par lui-même l’information à la vieille salle
de jeux d’arcade. Il trouve l’ordinateur de son père et va se retrouver lui
aussi par mégarde propulsé dans la Grille. Sam va bien vite se rendre compte
que Kevin a été trahi par Clu, son double qu’il a créé dans le but de créer un
monde parfait, mais qui nourrit désormais de sombres desseins…
Sur la forme, Tron : L’héritage est un film tout
simplement superbe. Dès le générique de départ, après le discours de Flynn sur
la grille qui se termine sur le thème principal concocté par DAFT PUNK, on se
laisse emporter dans l’univers visuel et sonore proposé, univers qui a été
soigné aux petits oignons. Le film commence vraiment au moment où Sam intègre
la grille, sa découverte de l’univers informatique en est d’ailleurs
parfaitement jouissive (même si le transfert au laser n’est pas aussi
visuellement élaboré que dans Tron). Tron : L’héritage est du genre
immersif : c’est qu’on aimerait nous aussi nous retrouver dans cet univers
informatique (bon certes, pas dans les conditions dangereuses du film, on est
bien d’accord), dans l’ensemble on est comme un gosse, ébahi devant ce
magnifique monde de jeu vidéo. De ce point de vue Tron : L’héritage est
une réussite totale, costumes, décors et idées diverses, tout est abouti. Certes
il faut adhérer à l’environnement colore et sonore proposé, mais si c’est le
cas on est vite happé par le film dont le visuel et la musique ne nous lâchent pas de sitôt. A tel point que dès que j’en entends reparler ou dès que je
revois quelques images, j’ai une irrépressible envie de revoir ce film, c’est
probablement et en ce qui me concerne le film le plus accrocheur sur la forme
que j’ai vu ces 10 dernières années. Cet énième visionnage de ma part se sera d’ailleurs
fait sur une télé HD avec un bon son, alors que mon dernier visionnage de
qualité s’était tout simplement fait lors de la sortie du film au cinéma. Ce
visionnage de qualité ne fera d’ailleurs qu’accentuer ma déception, déception qui
était d’ailleurs présente dès la fin de la première séance au cinéma. J’ai presque
envie d’en chialer tiens, un si beau film si prenant, parfait dans la forme,
qui s’est fait saborder par son fond d’une niaiserie absolue, semblant pointer
du doigt un responsable tout désigné : Disney.
Certes, Tron était aussi sous la houlette de Disney et qu’on
se rassure, possédait une histoire tout aussi niaise que Tron : L’héritage.
Mais bon, allez, disons-nous que si le scénario est naze, il y aura au moins de
l’action. Et ça y va : à peine Sam plongé dans la Grille, qu’il doit
affronter l’épreuve du combat de disques. Puis comme ça suffit pas, on enchaîne
dans la foulée avec la fameuse épreuves des motos en arène. Mais passé ça, c’est
fini, emballez c’est pesé, pliez les gaules. Si le film démarre vraiment
lorsque Sam rentre dans la Grille, on peut dire qu’il se finit lorsque Quorra
(Olivia Wilde) vient le tirer du pétrin de l’arène, et à ce moment-là la moitié
du film n’est même pas passée. Certes, il reste la poursuite finale dans les
airs mais quand vient ce moment, on est déjà dépité et consterné du traitement
fait à l’univers et à l’histoire de la Grille, et la tentative de réveiller le
tout est donc bien vaine. Et quand peu avant cette poursuite, on a droit à des
combats… qu’on ne voit pas (c’est vrai que montrer Sam qui tranche des
programmes en les éparpillant en petits morceaux, c’est trop violent pour nos
chastes yeux) on se dit qu’on a tout compris au traitement fait à l’histoire de
Tron : L’héritage. Passé l’excellent début du film, c’est l’édulcoration
pure et simple, bref du pur Disney. Le milieu du film souffre d’atroces
longueurs ne servant qu’à balancer des dialogues éculés emplis de bons
sentiments dégoulinants, entre les relations père-fils, le peuple opprimé à
protéger, et les motivations trop méchantes et grotesques de Clu autoproclamé
méchant de service (matérialiser toute une armée de programmes sur Terre ?!).
On a même droit à un court laïus culpabilisateur (lorsque Sam explique à son
père que le monde actuel n’est que guerre, pauvreté et pollution) particulièrement
insupportable. Seuls quelques courts combats et arcs scénaristiques évitent l’ennui
profond, alors que les facepalms se multiplient devant tant de niaiserie forcée
et caricaturale. Et que dire de la toute fin, triste et prévisible… Si l’on se
doute que Tron : L’héritage n’a pas été pensé pour être un film « adulte »,
on se dit qu’il y avait moyen de faire quelque chose de 1000 fois mieux dans le
fond que cette histoire gnangnan à souhait, qui finit par prédominer une fois
que l’on est pleinement plongé dans l’univers visuel, qui à un moment n’arrive
plus à se suffire à lui-même, hélas… Entre le fond et la forme, Tron : L’héritage
est donc d’une inégalité rarement atteinte. C’est beau mais ce n’est pas pour
autant qu’il fallait livrer un scénario de bisounours.
Si la réalisation de Joseph Kosinski, le visuel et le son
parviennent tant bien que mal à faire pencher la balance, les acteurs vont refaire
pencher l’équilibre dans le mauvais sens. Je l’évoquais dans ma critique de RoboCop à propos du premier grand rôle de Joel
Kinnaman, balancer Garrett Hedlund en tant que « jeune premier »
était risqué et bien évidemment, ça ne prend pas. Son interprétation reste
honnête mais son personnage n’a aucun relief. A la limite ce n’est pas très
grave, il faut bien un début à tout, c’est surtout pour ceux qui sont loin d’être
des « jeunes premiers » que ça se gâte. Jeff Bridges nous ressort un
rôle post-Big Lebowski en mode « zen » (c’est le personnage même qui
le dit !), cliché et qui ne semble pas du tout correspondre au Kevin Flynn
de Tron, dynamique et feu follet. Certes le personnage s’est retrouvé enfermé
dans la Grille pendant des cycles et des cycles mais au final, ça tranche de
trop et on y croit pas. Clu, son double maléfique qui est campé en motion
capture, est également assez moyen, visuellement (j’ai toujours eu un peu de
mal avec ce visage trop synthétique) et au niveau de sa personnalité, de même
que ses intentions sont exagérées dans les grandes largeurs, mettant à mal l’histoire
du film. Après, il n’y a pas beaucoup d’autres personnages, c’est un plaisir de
retrouver Bruce Boxleitner et on appréciera la mystique Beau Garrett (Gem) et
le fantasque Michael Sheen (Zuse), mais c’est tout. Bon certes, il y a Olivia
Wilde… mais c’était l’époque où elle apprenait encore son métier (oui, au début, on ne peut pas dire qu'elle était particulièrement expressive dans ses rôles...) et elle a du
mal à transmettre les émotions du personnage de Quorra, personnage qui même s’il
a son importance dans l’histoire ne sert un peu à rien au final (l’exemple
frappant étant le moment où elle va provoquer Rinzler pour se faire capturer,
dans quel but si ce n’est une bête diversion on ne sait pas vraiment…). Preuve
supplémentaire que si Tron : L’héritage a été travaillé à la perfection
dans la forme, il semble avoir été bâclé dans le fond, étant trop calibré pour
rentrer dans le cahier des charges gentil-tout-plein de Disney.
Sur un forum j’avais vu quelqu’un taxer Tron : L’héritage
de « nanar éclairé comme l’intérieur d’un frigo », je n’irai pas jusque-là
car ce film en vaut quand même largement la peine visuellement. Addictif,
immersif et bluffant, l’univers de Tron : L’héritage est sans précédent.
Et si le film était tellement nul que ça je ne l’aurai pas reregardé X fois, je
continuerai même à le regarder d’ailleurs, je pense que j’aurai du mal à m’en
lasser. Car l’univers de la Grille v.2011 est tout bonnement splendide et
visuellement, accompagné de plus du son de DAFT PUNK, ce film vaut bien 10/10.
Mais voilà, il a fallu que tout le reste créé un incroyable déséquilibre qui
fait perdre beaucoup de points à Tron : L’héritage. Et c’est tout de même
la déception qui prédomine. En ce qui me concerne la compensation visuelle ne
fait que pousser Tron : L’héritage juste au-dessus de la moyenne. De par
son manque relatif d’action, de par son casting peu convaincant et de par son
histoire d’une niaiserie effarante, Tron : L’héritage est un hallucinant
ratage dans le fond, hallucinant de par le contraste avec la forme qui est un
aboutissement original et personnel qui a déjà fait date. Probablement le film
le plus inégal de tous les temps, et c’est peu dire tant la mise en place d’un
univers visuel purement fantastique a accouché d’un film de bisounours qui n’améliorera
pas la réputation de Disney pour les films autres que ceux d’animation. A la
sortie de mon premier visionnage, je n’ai eu qu’un seul mot pour qualifier Tron :
L’héritage, mot qui est encore en vigueur trois ans plus tard : GÂCHIS !
Note : 6/10
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