jeudi 6 mars 2014

Tron : L'héritage

Je pense qu’il n’est plus utile de présenter Tron : L’héritage. Suite du culte Tron sorti en 1982, film qui peut paraître kitsch aujourd’hui mais dont la technique, à l’époque, était impressionnante (en 1982, la souris d’ordinateur n’existait même pas encore…). Tron où l’histoire fantastique d’un informaticien projeté dans un ordinateur. Près de 30 ans après, ce film se sera rappelé au bon souvenir des cinéphiles au moment où fût annoncée sa suite, plutôt attendue et validée (il n’y a que 3 ans, les suites et remakes ne sortaient pas encore à tort et à travers et on y prêtait plus de considération). Suite remarquée particulièrement en France vu que DAFT PUNK en a signé la BO, bien avant ses récompenses avec l’horriblement addictif "Get Lucky". Premier film de Joseph Kosinski qui a continué son petit bonhomme de chemin l’an dernier avec le bien bon Oblivion. Film qui, chose la plus remarquable, se distingue grâce à son univers visuel particulièrement singulier, tranchant très nettement avec le Tron d’origine, pour une remise au goût du jour doublée d’une identité bien personnelle et travaillée, évacuant les accusations de trahison de l’esprit originel grâce à un visuel on ne peut plus réussi (même s’il est très… « trichromatique »). Et Jeff Bridges rempile dans le rôle de Kevin Flynn, doublé d’un clone plus jeune en images de synthèse. Tout était réuni pour faire de Tron : L’héritage une grande réussite. Mais… mais…

En 1989, Kevin Flynn (Jeff Bridges) s’échine à développer la Grille, l’univers parallèle informatique qu’il a intégré par mégarde sept ans auparavant. Il promet à son fils Sam qu’il pourra la visiter un jour. Mais peu après cette promesse, Flynn disparaît sans laisser de traces, laissant son fils orphelin et la société Encom aux mains de dirigeants peu scrupuleux. En 2010, Sam (Garrett Hedlund) a bien grandi et chaque année, fait une blague aux dirigeants d’Encom, entreprise dont il reste l’héritier légitime. Après avoir ainsi perturbé le lancement d’une nouvelle version de l’OS d’Encom, Sam est contacté par Alan Bradley (Bruce Boxleitner), l’ancien comparse de Kevin. Bradley aurait en effet reçu un message de ce dernier sur un vieux bipper. Incrédule, Sam décide toutefois d’aller vérifier par lui-même l’information à la vieille salle de jeux d’arcade. Il trouve l’ordinateur de son père et va se retrouver lui aussi par mégarde propulsé dans la Grille. Sam va bien vite se rendre compte que Kevin a été trahi par Clu, son double qu’il a créé dans le but de créer un monde parfait, mais qui nourrit désormais de sombres desseins…


Sur la forme, Tron : L’héritage est un film tout simplement superbe. Dès le générique de départ, après le discours de Flynn sur la grille qui se termine sur le thème principal concocté par DAFT PUNK, on se laisse emporter dans l’univers visuel et sonore proposé, univers qui a été soigné aux petits oignons. Le film commence vraiment au moment où Sam intègre la grille, sa découverte de l’univers informatique en est d’ailleurs parfaitement jouissive (même si le transfert au laser n’est pas aussi visuellement élaboré que dans Tron). Tron : L’héritage est du genre immersif : c’est qu’on aimerait nous aussi nous retrouver dans cet univers informatique (bon certes, pas dans les conditions dangereuses du film, on est bien d’accord), dans l’ensemble on est comme un gosse, ébahi devant ce magnifique monde de jeu vidéo. De ce point de vue Tron : L’héritage est une réussite totale, costumes, décors et idées diverses, tout est abouti. Certes il faut adhérer à l’environnement colore et sonore proposé, mais si c’est le cas on est vite happé par le film dont le visuel et la musique ne nous lâchent pas de sitôt. A tel point que dès que j’en entends reparler ou dès que je revois quelques images, j’ai une irrépressible envie de revoir ce film, c’est probablement et en ce qui me concerne le film le plus accrocheur sur la forme que j’ai vu ces 10 dernières années. Cet énième visionnage de ma part se sera d’ailleurs fait sur une télé HD avec un bon son, alors que mon dernier visionnage de qualité s’était tout simplement fait lors de la sortie du film au cinéma. Ce visionnage de qualité ne fera d’ailleurs qu’accentuer ma déception, déception qui était d’ailleurs présente dès la fin de la première séance au cinéma. J’ai presque envie d’en chialer tiens, un si beau film si prenant, parfait dans la forme, qui s’est fait saborder par son fond d’une niaiserie absolue, semblant pointer du doigt un responsable tout désigné : Disney.


Certes, Tron était aussi sous la houlette de Disney et qu’on se rassure, possédait une histoire tout aussi niaise que Tron : L’héritage. Mais bon, allez, disons-nous que si le scénario est naze, il y aura au moins de l’action. Et ça y va : à peine Sam plongé dans la Grille, qu’il doit affronter l’épreuve du combat de disques. Puis comme ça suffit pas, on enchaîne dans la foulée avec la fameuse épreuves des motos en arène. Mais passé ça, c’est fini, emballez c’est pesé, pliez les gaules. Si le film démarre vraiment lorsque Sam rentre dans la Grille, on peut dire qu’il se finit lorsque Quorra (Olivia Wilde) vient le tirer du pétrin de l’arène, et à ce moment-là la moitié du film n’est même pas passée. Certes, il reste la poursuite finale dans les airs mais quand vient ce moment, on est déjà dépité et consterné du traitement fait à l’univers et à l’histoire de la Grille, et la tentative de réveiller le tout est donc bien vaine. Et quand peu avant cette poursuite, on a droit à des combats… qu’on ne voit pas (c’est vrai que montrer Sam qui tranche des programmes en les éparpillant en petits morceaux, c’est trop violent pour nos chastes yeux) on se dit qu’on a tout compris au traitement fait à l’histoire de Tron : L’héritage. Passé l’excellent début du film, c’est l’édulcoration pure et simple, bref du pur Disney. Le milieu du film souffre d’atroces longueurs ne servant qu’à balancer des dialogues éculés emplis de bons sentiments dégoulinants, entre les relations père-fils, le peuple opprimé à protéger, et les motivations trop méchantes et grotesques de Clu autoproclamé méchant de service (matérialiser toute une armée de programmes sur Terre ?!). On a même droit à un court laïus culpabilisateur (lorsque Sam explique à son père que le monde actuel n’est que guerre, pauvreté et pollution) particulièrement insupportable. Seuls quelques courts combats et arcs scénaristiques évitent l’ennui profond, alors que les facepalms se multiplient devant tant de niaiserie forcée et caricaturale. Et que dire de la toute fin, triste et prévisible… Si l’on se doute que Tron : L’héritage n’a pas été pensé pour être un film « adulte », on se dit qu’il y avait moyen de faire quelque chose de 1000 fois mieux dans le fond que cette histoire gnangnan à souhait, qui finit par prédominer une fois que l’on est pleinement plongé dans l’univers visuel, qui à un moment n’arrive plus à se suffire à lui-même, hélas… Entre le fond et la forme, Tron : L’héritage est donc d’une inégalité rarement atteinte. C’est beau mais ce n’est pas pour autant qu’il fallait livrer un scénario de bisounours.


Si la réalisation de Joseph Kosinski, le visuel et le son parviennent tant bien que mal à faire pencher la balance, les acteurs vont refaire pencher l’équilibre dans le mauvais sens. Je l’évoquais dans ma critique de RoboCop à propos du premier grand rôle de Joel Kinnaman, balancer Garrett Hedlund en tant que « jeune premier » était risqué et bien évidemment, ça ne prend pas. Son interprétation reste honnête mais son personnage n’a aucun relief. A la limite ce n’est pas très grave, il faut bien un début à tout, c’est surtout pour ceux qui sont loin d’être des « jeunes premiers » que ça se gâte. Jeff Bridges nous ressort un rôle post-Big Lebowski en mode « zen » (c’est le personnage même qui le dit !), cliché et qui ne semble pas du tout correspondre au Kevin Flynn de Tron, dynamique et feu follet. Certes le personnage s’est retrouvé enfermé dans la Grille pendant des cycles et des cycles mais au final, ça tranche de trop et on y croit pas. Clu, son double maléfique qui est campé en motion capture, est également assez moyen, visuellement (j’ai toujours eu un peu de mal avec ce visage trop synthétique) et au niveau de sa personnalité, de même que ses intentions sont exagérées dans les grandes largeurs, mettant à mal l’histoire du film. Après, il n’y a pas beaucoup d’autres personnages, c’est un plaisir de retrouver Bruce Boxleitner et on appréciera la mystique Beau Garrett (Gem) et le fantasque Michael Sheen (Zuse), mais c’est tout. Bon certes, il y a Olivia Wilde… mais c’était l’époque où elle apprenait encore son métier (oui, au début, on ne peut pas dire qu'elle était particulièrement expressive dans ses rôles...) et elle a du mal à transmettre les émotions du personnage de Quorra, personnage qui même s’il a son importance dans l’histoire ne sert un peu à rien au final (l’exemple frappant étant le moment où elle va provoquer Rinzler pour se faire capturer, dans quel but si ce n’est une bête diversion on ne sait pas vraiment…). Preuve supplémentaire que si Tron : L’héritage a été travaillé à la perfection dans la forme, il semble avoir été bâclé dans le fond, étant trop calibré pour rentrer dans le cahier des charges gentil-tout-plein de Disney.


Sur un forum j’avais vu quelqu’un taxer Tron : L’héritage de « nanar éclairé comme l’intérieur d’un frigo », je n’irai pas jusque-là car ce film en vaut quand même largement la peine visuellement. Addictif, immersif et bluffant, l’univers de Tron : L’héritage est sans précédent. Et si le film était tellement nul que ça je ne l’aurai pas reregardé X fois, je continuerai même à le regarder d’ailleurs, je pense que j’aurai du mal à m’en lasser. Car l’univers de la Grille v.2011 est tout bonnement splendide et visuellement, accompagné de plus du son de DAFT PUNK, ce film vaut bien 10/10. Mais voilà, il a fallu que tout le reste créé un incroyable déséquilibre qui fait perdre beaucoup de points à Tron : L’héritage. Et c’est tout de même la déception qui prédomine. En ce qui me concerne la compensation visuelle ne fait que pousser Tron : L’héritage juste au-dessus de la moyenne. De par son manque relatif d’action, de par son casting peu convaincant et de par son histoire d’une niaiserie effarante, Tron : L’héritage est un hallucinant ratage dans le fond, hallucinant de par le contraste avec la forme qui est un aboutissement original et personnel qui a déjà fait date. Probablement le film le plus inégal de tous les temps, et c’est peu dire tant la mise en place d’un univers visuel purement fantastique a accouché d’un film de bisounours qui n’améliorera pas la réputation de Disney pour les films autres que ceux d’animation. A la sortie de mon premier visionnage, je n’ai eu qu’un seul mot pour qualifier Tron : L’héritage, mot qui est encore en vigueur trois ans plus tard : GÂCHIS !
Note : 6/10

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