mardi 20 septembre 2016

Kingsman : Services Secrets



Si avec ce blog je prône depuis toujours de bannir les à-priori en matière de cinéma et de juger sur pièces, il m’arrive à moi-même d’avoir des à-priori, et de passer à côté de pépites. Après tout, personne n’est parfait, mais quand on connaît bien ses propres goûts, il est souvent difficile de passer outre. Pour bien comprendre pourquoi je ne découvre que Kingsman : Services Secrets maintenant, il faut remonter à mon à-priori initial, celui qui lie ce film à Kick-Ass du même réalisateur, les deux œuvres étant régulièrement et justement comparées d’ailleurs. Il faut dire que je n’avais pas été franchement convaincu par le dénommé Kick-Ass vu par hasard sur une chaîne ciné du bouquet CanalSat, trop mou, sans aspérités, pas assez d’action, pas assez de ceci ou cela, pas spécialement drôle… Je suis passé à côté du film débridé de Matthew Vaughn et je ne pense pas revenir sur mon avis un jour. Aussi quand Kingsman : Services Secrets a débarqué sur nos écrans en février 2015, je ne me suis pas laissé tenter, surtout que les rapports à Kick-Ass fusaient. On m’en avait pourtant dit beaucoup de bien mais à chaque fois que je demandais « mais c’est dans le style de Kick-Ass non ? », on me répondait par l’affirmative, ce qui n’émoustillait pas ma motivation. Foutu pour foutu, je comptais tout de même juger sur pièce un beau jour, le jour où justement il tomberait sur les chaînes du bouquet CanalSat, ou le jour ou une bonne promo sur les Blu-Ray me permettrait de pouvoir m’y mettre dans de bonnes conditions (z’avez vu comment je suis un vrai de vrai alors qu’aujourd’hui trouver un film en streaming est accessible à tout quidam en trois clics), et il va s’agir de bannir les à-priori initiaux pour tomber peut-être sur une tuerie. Après tout, quand on a un à-priori négatif, on ne peut qu’être surpris… ou souvent conforté (ce qui donne en général des commentaires puant la mauvaise foi sur les réseaux sociaux). Alors, est-ce que Kingsman : Services Secrets va botter des culs mieux que Kick-Ass ne l’avait fait ?

Dans les années 90, lors d’une mission d’espions britanniques, un des leurs est tué par négligence du pourtant excellent Harry « Galahad » Hart (Colin Firth). Celui cherche à aider la famille du défunt mais ne reçoit en réponse que le rejet de la veuve. Hart remet donc un médaillon au jeune fils de l’agent décédé, Eggsy, censé lui apporter aide quand il en aura besoin. Des années plus tard, Eggsy (Taron Egerton) est devenu un jeune désabusé, constamment emporté dans des situations compliquées et des bagarres à cause des mauvaises fréquentations de sa mère. Mais il a pu acquérir une certaine débrouillardise. Arrêté par la police après un rodéo urbain, il se décide à contacter les agents par le biais du numéro inscrit sur le dos du médaillon qu’il a précieusement conservé. Hart lui vient alors en aide, et, tout en lui racontant l’histoire de son père, lui propose de rejoindre les Kingsmen. Eggsy est alors soumis à une rude concurrence pour rejoindre le groupe d’espions, il est en effet en compétition pour devenir le nouveau « Lancelot », le précédent ayant été tué en essayant de sauver un scientifique pris en otage. Et le temps presse car l’énigmatique Richmond Valentine (Samuel L. Jackson), milliardaire futé et excentrique intéressé par les conséquences du réchauffement climatique, est surveillé de près par les Kingsmen…


A vrai dire, ce que je craignais de Kingsman : Services Secrets, c’est qu’il soit trop bavard et finalement assez avare en action, ce qui était le cas de Kick-Ass d’ailleurs. Le film s’offre alors une lente mise en place, ce qui est finalement logique par rapport à l’histoire, mais l’action n’est pas spécialement au rendez-vous, si ce n’est la première véritable scène palpitante qu’est la bagarre spectaculaire dans le bar, assez largement montrée dans les bandes-annonces d’ailleurs. On suit alors les débuts d’Eggsy au sein des potentiels Kingsmen, d’ailleurs avec le décorum en forme de pensionnat, on se croirait presque dans X-Men : Le Commencement, justement réalisé par Matthew Vaughn… On est presque à mi-chemin entre un film où l’on suit des jeunes en compétition pour montrer leurs talents (presque une « origin story »), un peu à la manière d’un La Stratégie Ender finalement, et un film à parlotte Tarantinesque incisive à tout bout de champ, ce qui est revendiqué par l’accroche promo à l’arrière du Blu-Ray d’ailleurs. Plus bavard que drôle, Kingsman : Services Secrets tombe donc dans les travers que je lui imaginais en tant que « Kick-Ass qui se base sur des agents secrets plutôt que des super-héros », même si l’on se laisse prendre au jeu de l’histoire qui met lentement mais sûrement ses pions en place. Il faut donc attendre, en compagnie des personnages, que ça « pète ». Mais le moins qu’on puisse dire, c’est que l’attente valait le coup. Et dans un dernier tiers, Kingsman : Services Secrets dévoile enfin tout le potentiel qui était enfoui dans ses promesses.

Ce qui n’était jusque là qu’un film gentiment saignant et un brin vulgaire retenait sa folie pour mieux la libérer ensuite. Et dans ce fameux dernier tiers qui démarre à partir de la scène de l’église, Kingsman : Services Secrets va partir dans la plus absolue dinguerie, explosive et sans gêne (visuellement comme au niveau des dialogues). L’histoire s’emballe et les soubresauts vus dans les deux premiers tiers du film vont amener toute la fine équipe derrière ce film à se lâcher et à hacher menu. Entre combats hyper nerveux sacrément bien chorégraphiés et moments de pure folie visuelle, Kingsman : Services Secrets s’offre une partie finale qui dépote un max. Acteurs, Taron Egerton et Mark Strong en tête, s’en donnent à cœur joie et Matthew Vaughn également, on sentait dès le début du film qu’il avait les moyens de donner dans une mise en scène percutante et cartoonesque à la Edgar Wright et il ne déçoit pas (en dépit d'effets spéciaux un peu moyens parfois). Kingsman : Services Secrets est donc un film qui prend son temps, pour mieux surprendre ensuite et faire halluciner son public devant une telle violence jouissive. Avec un scénario simple et bien mené, des punchlines à retenir et une humeur irrévérencieuse très communicative, et puis le l’Action pure et débridée à la fin, Kingsman : Services Secrets finit par tenir ses promesses et mérite d’accéder au tout puissant titre de Déglingue.


Kingsman : Services Secrets est aussi tenu par ses acteurs aux performances inattendues et bluffantes. Taron Egerton, qui n’est même pas cité sur le poster du film (!!!), en est bel et bien son héros, ce jeune acteur est tout à fait excellent et on espère le revoir au sein d’un film où il aurait encore plus d’importance (un film de super-héros ?). Puis dans le genre contre-emploi, Kingsman : Services Secrets se pose sérieusement. On attendait pas le Colin Firth du Discours d’un Roi dans un film si osé, entre flegme britannique et combats d’agent secret surentraîné, son rôle d’Harry Hart restera dans les mémoires. Et que dire de Samuel L. Jackson, hilarant en personnage totalement nawak, génie milliardaire maladroit et peureux sapé façon Snoop Dog et qui zozote. Là aussi c’est la déglingue ! Mark Strong, qui ressemble toujours autant à un Stanley Tucci plus grand, joue habilement son rôle sérieux de Merlin qui, comme tout le monde, sort bien de ses gonds sur la fin. Du reste, un bémol sur Michael Caine qui fait trop du Michael Caine et ne sert un peu à rien. Mention spéciale en revanche à Sofia Boutella, bien en vue dans le rôle du bras droit (et jambes d’acier) de Valentine, dans un autre registre que le rôle qu’elle aura dans Star Trek : Sans Limites… On s’arrêtera sur la jolie Sophie Cookson (Roxy) mais aussi un invité de marque, Mark « Luke Skywalker » Hamill, forcément méconnaissable au premier abord (si ce n'est sa coupe de cheveux) dans le rôle du scientifique kidnappé, qui a tout de même un rôle un poil plus conséquent que ses 8 secondes à la fin de Star Wars : Le Réveil de la Force (c’est plus un spoiler, vous l’avez tous vu depuis le temps hein ?).

Un léger bémol sur la musique pour une fois, un peu répétitive et le thème principal me semble un peu trop proche de celui d’Avengers. Alors bien sûr, dans le monde actuel du ciné ou les séquelles sont légion et que la plupart des « nouveaux » sont amenés à être des super intros pour une saga au cas où ça marche, Kingsman : Services Secrets ne déroge pas à la règle et sa grosse première partie peut amener à soupirer un peu. A la manière de Deadpool, trop centré sur l’origine du personnage en oubliant de tartiner, pour mieux se révéler dans un 2 ? On attendra là aussi un 2 mais le début de Kingsman : Services Secrets '1' est au moins sympathique et ici, en deux heures à l’écran, Matthew Vaughn n’a pas lésiné à la fin pour dégobiller et cartonner un max dans une joyeuse hystérie. On introduit, on présente les personnages, on les fait évoluer, on enveloppe le tout dans une histoire bien huilée et bim, à la fin on lâche la purée. Matthew Vaughn et sa fine équipe ont tout compris au film osé, retenu avant d’être dynamique et explosif, volontairement sanglant et vulgaire donc non-aseptisé, à la manière de Kick-Ass forcément mais en mieux, bien mieux même. J’ai failli être déçu car au début j’ai eu le droit à exactement les défauts que j’attendais, mais sur la durée Kingsman : Services Secrets m’a mis une belle claque. Voilà pourquoi il ne faut jamais laisser les à-priori se dicter ses visionnages parce qu’il y a tel réalisateur, que c’est proche de tel ou tel truc que-j’avais-pas-aimé-donc-j’ai-pas-envie, même si finalement la surprise n’en est que plus belle à la fin. Une jolie dinguerie au bout, qui se paye le luxe d’être un des films les plus couillus et enthousiasmants sortis ces derniers temps. Ce n’est pas à ses manières passées qu’on juge la filmographie d’un réalisateur…

Note : 8/10

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