lundi 17 février 2014

Les 3 Frères, le Retour

Treize ans que l’on attendait ça. Treize ! Ou le numéro porte-malheur par excellence, ou bonheur sur vous n’êtes pas superstitieux, ou le sobriquet donné à Olivia Wilde dans Dr. House. Treize ans à remater incessamment les best-of en DVD, ceux proposés par des chaînes comme TMC, ou quelques vidéos sur YouTube. Même plus de treize ans, car on ne peut pas dire que Les Rois Mages était un indispensable, sympa et décalé mais trop niais dans le fond. Les 3 Frères (1995) et Le Pari (1997) restent les deux cultes absolus, auquel on pourrait jouer les fossoyeurs et ajouter Le Téléphone sonne toujours deux fois (1985), alors que les Inconnus étaient encore cinq avec Smaïn et Seymour Brussel… Les Inconnus, puisque c’est d’eux dont il s’agit, sont donc véritablement de retour avec une suite de leur culte de 1995, sobrement baptisée Les 3 Frères, le Retour. Tout le monde ou presque est enchanté pour un film qui risque tout de même gros. Les Inconnus sont partout pour une promo qui peut paraître forcée, peu enthousiaste de mon point de vue, et inutile de dire qu’une accumulation de « mais c’est nul » transformerait ce retour en un retour sans suite, anecdotique et raté à l’image des Bronzés (même si j’avais trouvé Les Bronzés 3 bien moins catastrophique que l’on veut bien l’entendre…). Et de toute façon, il sera moins bien que le premier. Oui, on parle de la suite d’un culte, il est difficile voire impossible de retrouver la verve de 1995 lorsque le trio était à son âge d’or, et de faire au moins aussi bien. Donc oui, Les 3 Frères, le Retour est moins bon que Les 3 Frères (et j’ai toujours préféré Le Pari…), mais cela était acté d’avance et c’est bien insuffisant pour sabrer les Inconnus, la presse s’en étant donnée à cœur joie et, pour une fois, à l’opposé du public… dont je rejoins l’avis général mais avec de petites nuances logiques.

De nombreuses années après leurs aventures avec Mickaël, les 3 frères Latour sont sur le point de se retrouver : les cendres de Josie, leur mère défunte, ont été rapatriées en France et ses héritiers sont convoqués chez un notaire, comme il y a 19 ans. Didier (Didier Bourdon) vivote en vendant des articles érotiques en ligne dans sa bagnole, faisant croire qu’il est un professeur de philosophie à une vieille fille qu’il a épousé pour espérer récupérer l’héritage de sa belle-mère à l’agonie. Bernard (Bernard Campan) est toujours un acteur raté, vivant dans une caravane de tournage, traînant comme un boulet un rôle qu’il a eu dans une publicité de croquettes pour chiens, et gagnant péniblement sa vie dans un one-man show minable. Pascal (Pascal Légitimus) est au chômage mais se fait entretenir par Moss, une vieille dame riche qui s’est attachée à lui pour ses services sexuels, pourtant plus obtenus grâce au Bois Bandé que par un amour réciproque… Passées les retrouvailles tendues, malgré l’enthousiasme de Bernard car Didier et Pascal demeurent brouillés suite à une vieille histoire amoureuse, les 3 (demi-)frères apprennent qu’ils vont devoir s’acquitter d’une vieille dette de leur mère. Malgré la faible somme à rendre, chacun est pingre et préfère vider ses comptes de peur de voir leur fric prélevé à la source, ce qui va inexorablement les emmener dans de nouvelles galères… avec cette fois-ci la compagnie d’une fille cachée, Sarah (Sofia Lesaffre)…

Et c’est parti pour de nouvelles aventures rocambolesques avec un schéma qui rappelle un peu le 1er film. Mais comme convenu, ce 2ème opus est moins bon que le premier. Il va donc déjà être question d’évacuer les défauts manifestes. Déjà, l’histoire proposée est bien moins intéressante qu’il y a 19 ans. Les rebondissements, plus ou moins surprenants, sont un peu sans dessus dessous, l’histoire est de fait franchement décousue, se résumant souvent à une accumulation de gags et de situations cocasses, alternées avec des tentatives d’émotion qui tombent à l’eau, bien loin de celles du premier opus. Inutile de dire que le scénario est au final léger (il y a eu mieux dans le genre de comédie « tout part en sucette »), avec quelques petits trous mais rien de bien méchant. Le début du film est très poussif, comme tout film du genre il faut attendre que ça parte vraiment en couille pour que ça devienne drôle et intéressant, mais concernant Les 3 Frères, le Retour ça met un peu de temps à arriver quand même… Reste alors un constat pouvant paraître fracassant : il n’y a au bout aucune réplique ou situation qui deviendra inoubliable ou culte, certes seul le temps permet d’octroyer le qualificatif « culte » mais il n’y a rien ici qui soit énorme et absolument hilarant. Mais Les 3 Frères, le Retour n’a pas vocation à être culte dans l’absolu, c’est surtout une suite ou plutôt un appendice, et même les références et clins d’œil aux évènements du premier opus ne sont ni nombreuses, ni évidentes. On pense même le premier opus totalement oublié jusqu’à l’apparition de Mickaël (Antoine Du Merle) pour la dernière partie du film, qui tranche d’ailleurs avec la première et les situations centrées autour de Sarah, et accentuent encore le côté décousu et hétérogène du film. C’est tout ce qu’il y a vraiment à mettre au discrédit de Les 3 Frères, le Retour (en plus d'une réalisation sans grand relief mais bon, on attendait pas du Edgar Wright non plus) car pour le reste, il y a le bonheur de retrouver les Inconnus, leur humour et leurs personnages, ce qui est en réalité le plus important.

Les rires sont donc présents en masse, suivant les facéties des trois (demi-)frangins Latour toujours aussi proches de leurs sous. L’humour des Inconnus est donc toujours présent et présent en force, il a peut-être un tout petit petit peu vieilli par moments mais reste toujours d’actualité, même si rien n’est ici particulièrement dénonciateur (on évoquait la crise, le sujet est vraiment tertiaire finalement). Cela nous donne toujours des dialogues et des situations mordantes, découlant toujours de la personnalité grippe-sou au possible des frères, prêts à tout pour avoir des « pépettes », et toute l’histoire du film joue là-dessus. Avec le traitement fait par l’humour Made in Inconnus qui est d’ailleurs sublimé grâce à un running gag hilarant sur les slogans des banques, que je vais laisser découvrir à ceux qui n’ont pas (encore) vu le film. L’humour est bien là, moins tranchant qu’au début des années 90 et tentant maintenant de s’ancrer dans les années 2010 (en mode wesh cousin quand c'est nécessaire), ce qui est ardu mais ça fonctionne toujours, surtout que le trio s’est détaché de son répertoire connu (Les 3 Frères comportait pas mal de gags, situations et personnages issus de leurs propres sketchs), il y a donc du neuf et ça fait mouche. Notons enfin que les 3 personnages n’ont finalement pas changé d’un pouce, et le trio a su bien vite se remettre dans l’esprit des frères Latour de 1995. Le meilleur à ce jeu étant Bernard Campan : son personnage boulet au possible n’a pas changé d’un iota ! Surtout que des 3 acteurs, c’est lui qui a le moins vieilli… Didier Bourdon a pris un tas de kilos mais a su rester le nerveux et pingre Didier Latour, seul le personnage de Pascal Légitimus a assez changé, Pascal Latour étant bien éloigné du publicitaire bobo (bobo avant-gardiste d’ailleurs) du milieu des années 90, ce qui amène un peu de changement. Ainsi le fait de retrouver les 3 frères qui n’ont pas mûri et l’humour des Inconnus pur jus (même s’il ne va jamais très loin), fait que le plaisir et les rires sont bien présents dans Les 3 Frères, le Retour, excusant presque toutes les approximations du film.

Du coup les 3 Latour volent le film et les autres personnages, que ce soit le notaire Vaselin (Christian Hercq) (qui ne se prend pas de claques à cause de son langage latin, signe que les Inconnus ne font pas non plus dans les clichés et le recyclage), Sarah ou le retour de Mickaël, ne tirent le film vers eux. Reste la belle-mère un peu déjantée de Didier mais c’est tout, prouvant bien qu’au-delà des facéties et gags typés « Inconnus » Les 3 Frères, le Retour a bien peu de coffre. Mais malgré leur promo un peu démotivée, les Inconnus ont su se faire plaisir avec ce retour, sans prétention finalement. Oui, il ne faut pas spécialement prêter des prétentions énormes à ce film, c’est une suite à Les 3 Frères qui permet de replacer les Inconnus et leur humour sur grand écran, il ne faut pas en attendre beaucoup plus, que ça soit une histoire intéressante ou quelque chose qui pourrait être présenté comme une des comédies françaises de la décennie (quoique quand on voit la matière que l’on a depuis 4 ans…). Je rappelle à toutes fins utiles que nous parlons de la suite d’un culte, et si les reboots/remakes sont bien mal considérés -à juste titre ou non-, les séquelles ne sont pas en reste non plus, mais il ne faut pas attendre qu’une pareille suite parvienne à décrocher la lune. Les 3 Frères, le Retour est donc un retour qui tient franchement la route, surtout quand on pouvait s’attendre à une déception notamment du fait des critiques presse qui s’en sont données à cœur joie, on se demande bien pourquoi avec tant de haine d’ailleurs. Le public ne s’y trompera pas et saura savourer ce retour, qui je rappelle pourrait amener le trio à refaire un petit quelque chose (sur scène à priori) si ça fonctionne, il serait donc de bon ton de ne pas les dégoûter. Un retour certes pas parfait sur la forme cinématographique, pour un film de toute façon moins-bien-que-le-premier mais si on cherchait un minimum d’humour à la les Inconnus et les retrouvailles avec des personnages cultes, Les 3 Frères, le Retour est un retour réussi.
Note : 7.5/10

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