lundi 10 octobre 2016

Limitless


On le sait, la non-utilisation d’une partie de notre cerveau, c’est qu’une légende, c’est scientifiquement inexact et impossible, etc etc… Mais c’est un bon sujet de cinéma. Et logiquement, des cinéastes vont s’en emparer. Le plus notable a été Luc Besson pour son Lucy. Enfin le plus notable en termes de notoriété, parce qu’en termes de qualité… On ne peut pas reprocher à Besson d’avoir eu un peu d’ambition mais le résultat était autrement plus mitigé. De toute façon, Besson n’a pas été le premier. Le premier, c’était Neil Burger et son Limitless. Enfin, le vrai premier, c’est Alan Glynn, auteur du livre "The Dark Fields" sorti en 2001. Neil Burger et la scénariste Leslie Dixon n’ont fait qu’adapter librement l’œuvre 10 ans plus tard. 3 ans avant Lucy donc, et le moins qu’on puisse dire c’est que Limitless a battu Lucy à plates coutures, Bradley Cooper met à genoux Scarlett Johansson (enfin met à genoux… non, évacuez vos fantasmes salaces). Certes, le style n’est pas tout à fait pareil. Limitless est plus terre-à-terre, plus Thriller légèrement Science-Fiction que Lucy qui lui est plutôt Science-Fiction légèrement Action et beaucoup élucubrations mystiques. Mais alors que Lucy aurait pu être efficace à sa manière, Limitless a finalement eu les meilleures idées, en plus d’autres qualités au sein d’un film finalement un peu méconnu.

Eddie Morra (Bradley Cooper), à l’instar de Michaël Youn dans Incontrôlable, est un écrivain en panne d’inspiration qui se laisse aller. Il n’arrive pas à écrire la moindre ligne du nouveau roman qu’il a promis à sa maison d’édition et pour couronner le tout, sa petite amie Lindy (Abbie Cornish) décide de le quitter. C’est alors qu’il recroise par hasard son ex-beau-frère, Vernon (Johnny Whitworth). Ce dernier lui laisse un cachet d’un médicament en cours d’homologation, le NZT, censé donner accès à plus de parties du cerveau humain. Eddie le teste et son quotidien s’en retrouve bouleversé : il met de l’ordre chez lui et écrit son nouveau livre en un temps record. Après avoir mis la main sur plus de doses de NZT, il s’en sert pour changer de vie, en devenant un génie de Wall Street, travaillant aux côtés de Carl Van Loon (Robert De Niro). Mais Eddie devient vite accro au NZT, qui provoque des effets secondaires et est aussi cible de mystérieuses et dangereuses convoitises…


Neil Burger est surtout connu du grand public pour avoir réalisé le premier opus de Divergente (que je n’ai pas vu - la seule saga dystopienne pour ados que je n’ai jamais osé aborder… - donc je n’en dirai pas un mot), depuis il n’a plus rien fait sur le grand écran d’ailleurs (!). Avant ça, il avait signé L’Illusioniste (avec Edward Norton) et The Lucky Ones, que je n’ai vus non plus. Mais avec Limitless, le réalisateur américain démontrait un énorme potentiel. Visuellement rythmé et épatant, avec des choix judicieux de lumières et couleurs (quand Eddie prend du NZT, son monde passe d’un mode sombre à totalement éclatant) et des passages psychédéliques assez monumentaux (les effets « tunnel » saisissants) au milieu d'autres enchaînements de folie, Limitless s’offre un visuel percutant, dont le montage subtil nous scotche au Fauteuil Noir dès les premières minutes. Ceci mène à la perfection un film quasi-comique sur le début, haletant et prenant ensuite, assumant à fond son côté Thriller mi-scientifique fait de péripéties diverses, de remises en question et de rebondissements plus ou moins étonnants. Si Lucy avait aussi un parti pris visuel fort - un des rares de Luc Besson -, Limitless lui damait déjà le pion avec son visuel entraînant et mordant, qui énergise un film intelligent et original, sans temps morts, exploitant bien son postulat de base, sans partir dans des élucubrations hors de propos, restant dans le domaine des capacités brutes que l’on pourrait acquérir si on pouvait « coloniser notre cerveau ». Pas de contrôle de corps à distance, de changement de couleur de cheveux, de remontées dans le temps, juste une intelligence décuplée, un accès total à la mémoire, des capacités accrues d’apprentissage et d’assimilation, de la pure performance mentale et physique.

Bon, il est vrai que Limitless aurait pu être encore plus ambitieux, et si Neil Burger pose tout son talent pour filmer les aventures d’Eddie Morra, le scénario reste parfois limité et souffre même de petits trous, rebondissements sortis du chapeau, choses inachevées ou autres facilités, pour un ensemble qui aurait peut-être pu être plus tordu et sombre par moments. Mais les bonnes idées sont légion, sans jamais partir dans le nawak malgré des choses osées, et surtout le développement du film est passionnant, prenant le temps de poser l’évolution du personnage campé par Bradley Cooper, même si forcément tout finit par s’accélérer à l’image des grandes capacités d’assimilation d’Eddie. Bradley Cooper y fait du Bradley Cooper sans grands chichis, avec sa prestance et son sourire de beau-gosse à pub pour parfums et glaces, mais il s’est bien glissé dans la peau de ce personnage paumé au début, sûr de lui à la fin, malgré les difficultés des effets secondaires du NZT. Abbie Cornish fait du Abbie Cornish (c’est-à-dire ce sempiternel rôle de « petite amie » sans saveur même si elle aura aussi son moment de gloire), Robert De Niro du Robert De Niro (et c’est très bien pour camper un requin de la finance impitoyable), bref Limitless ne dépasse pas les limites du potentiel des acteurs mais ils font le boulot. A noter aussi la prestation de Andrew Howard en mafieux russe savoureux, qui rajoute de la couleur à ce film qui joue sur pas mal de tableaux, entre tension latente, moments mystiques, et comique de situation. Inclassable car ni 100% Thriller ni vraiment Science-Fiction (et pas du tout Anticipation à vrai dire, rien de bien futuriste là-dedans), Limitless s’en sort aisément avec les honneurs avec son côté rythmé et percutant et son histoire originale qui est source de facéties qui font mouche.


Du reste, c’est de l’ordre du subjectif, en ce qui me concerne j’avais accroché à ce film dès son premier visionnage, suffisamment pour acquérir le Blu-Ray alors qu’encore une fois il passe souvent à la téloche (le soir où j’écris ces lignes), mais certains passages sont tellement kiffants qu’il y a un sacré goût de reviens-y… et le potentiel de ce genre de film semble de toute manière infini. Un potentiel qui sera exprimé sur la série TV qui devrait bientôt passer sur les écrans français (ouais, moi les séries j’attends qu’elles passent à la téloche), où Bradley Cooper reprendra le rôle qu’il tient en fin de film d’ailleurs. Un potentiel qui s’arrêtera pourtant bien vite, la série ayant semble-t-il déjà été annulée après une seule saison (l’univers des séries étant aussi impitoyable que le personnage de Carl Van Loon…). Un potentiel parfaitement mis en image par un Neil Burger très inspiré qui s’est lâché et apporte une plus-value non négligeable à ce film visuellement prenant, espérons que le réalisateur n’ait pas été bouffé par les gros studios et qu’on le reverra bientôt avec un visuel similaire. Un potentiel plus terre-à-terre qui a engendré un film bien plus efficace que l’étouffant Lucy, qui reste sur de bonnes bases bien exploitées plutôt que de partir dans des délires quasi-métaphysiques. Un potentiel exprimé avec des qualités et des défauts, qui font que Limitless n’atteint pas la perfection, mais arriver à 100% de son potentiel comme le personnage de Lucy, ça donnait n’importe quoi… Félicitons Limitless qui a su faire les choses vite et bien, pour au bout comme le dit justement la critique de Télé-Loisirs, « un bon petit film bien rythmé et bien écrit ».

Note : 8/10

A noter que le Blu-Ray propose en bonus une fin alternative, un peu plus incertaine et pessimiste.

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